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de plus de deux mille lys ; c’est depuis ce temps que le peuple dans sa reconnaissance, l’a appelé le saint roi[1].

« Or, combien plus grand est le bienfait de la Rédemption ! Tous les peuples anciens, présents, futurs, toutes les choses du monde sont imprégnées de cette rédemption, et ne subsistent que par elle. Voilà pourquoi, sire, je ne puis comprendre que vous trouviez ceci difficile à croire. — Mais la doctrine de Fo, non plus, ne doit pas être traitée légèrement. Le nom seul de Fo signifiant celui qui sait et comprend tout, est un nom sans égal, comment oserais-tu en parler avec mépris ? — Si ce n’était ce nom, de quoi eût-il pu se couvrir ? Aussi l’a-t-il volé. Mais par le fait, ce roi Siek-ka-ie, que vous appelez Fo, n’est qu’un homme, fils du roi Tsieng-pou et de la dame Mai-ia. Il a dit en montrant de la main droite le ciel, et de la main gauche la terre : « Moi seul je suis grand. » N’est-ce pas là un orgueil ridicule ? Quelle vertu, quelle sainteté a-t-il eu, pour que ce soit un crime de le mépriser ? — La vérité, reprit le roi, se soutient par elle-même, et chaque chose à la fin tourne du vrai côté ; nous verrons la suite. » Puis, sans rien décider, il fit reconduire le chrétien à sa prison. Devant un tribunal inférieur, ce confesseur aurait expié sa franchise par une dure flagellation, peut-être même par le dernier supplice, mais le roi rejeta les adresses des ministres qui voulaient le faire condamner à mort, et, quelque temps après, le fit relâcher.

Pendant l’été de cette même année 1799, le taisa Kan Sin-heu-tso présenta une requête contre Ambroise Kouen T’siel-sin-i et Augustin Tieng Iak-tsiong, qu’il représentait comme les chefs et les soutiens des chrétiens. Le roi se fâcha contre l’auteur de la requête, le cassa de sa dignité, et défendit de donner suite à cette affaire.

Ces faits et plusieurs autres analogues donnaient à bien des chrétiens l’espoir de faire triompher enfin la vérité. Malgré l’opposition secrète des ministres, et la cruauté de quelques gouverneurs de provinces, l’Évangile se répandait parmi les païens ; les conversions se multipliaient, surtout à la capitale. Mais la mort soudaine du roi laissa bientôt le champ libre aux persécuteurs. Ce prince mourut d’une tumeur sur le dos. Un coup de lancette donné à temps eût pu le sauver, mais une loi inflexible de l’étiquette coréenne défend de toucher le corps du roi, même en cas de maladie, et pour le guérir. Cette tumeur dégénéra en une large plaie, et il expira le 28 de la sixième lune de 1800, après vingt-quatre ans de règne.

  1. Peut-être s’agit-il de l’empereur Suen-vang, dont il est parlé dans le Chi-king. — Duhalde, tome III, p. 15.