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ras sous les coups du bâton des voleurs, » repartit le mandarin qui le fit frapper de vingt coups.

Au sixième interrogatoire, le mandarin s’écria : « C’est à cause des scélérats qui suivent cette mauvaise doctrine, que la famine et la sécheresse sévissent dans le royaume, et que tout le peuple va périr. Déclare les lieux où vous vous réunissez pour pratiquer votre religion, fais connaître les chefs des chrétiens. On dit qu’ils sont réunis dans les montagnes, dénonce tout. — Nous n’avons pas de chefs ; que les chrétiens soient dans les montagnes, c’est ce que j’ignore ; si vous le savez, pourquoi le demander ? » Le mandarin furieux s’adresse à un bourreau : « Brise les os de la jambe à ce coquin-là, et bats-le à mort pour qu’il ne sorte pas d’ici. » Cet ordre fut aussitôt exécuté, puis on le traîna à la prison.

Quelques jours après, le gouverneur de la province, dont le mandarin avait demandé les ordres, répondit : « La doctrine des Européens est sale, mauvaise et horrible : frappez ces gens-là sur les jambes, et si, au quatorzième coup, ils ne se rendent pas, défaites-vous-en en les tuant. » Lecture de cet édit fut faite à Laurent en plein tribunal, au milieu de tous les instruments de supplice. Puis le mandarin ajouta : « Ne désires-tu pas voir ta mère ? Qu’y a-t-il de si bon à mourir ? — Mon désir de voir ma mère est inexprimable ; mais, dussé-je mourir, je ne puis apostasier. Faites ce que vous voudrez, je n’ai plus rien à dire. — Mais les autres chrétiens ont obéi au roi. — J’ignore ce que d’autres ont fait : je n’ai pas à scruter leurs actions. Je ne réponds que de moi-même. » Le mandarin lui fit infliger une horrible torture. Pendant plusieurs mois, il fut tous les huit ou dix jours ramené devant le mandarin et remis à la question. La cruauté des satellites s’ingéniait à augmenter ses souffrances, et plus d’une fois ils le laissèrent nu et meurtri dans la boue, exposé la nuit entière au froid et à la pluie.

C’est vers cette époque, qu’il trouva le moyen d’écrire à sa mère la lettre suivante : « À ma mère, moi Laurent, fils ingrat, de ma prison, je vous adresse l’expression de mes sentiments. J’avais toujours fait résolution d’être dévot envers Dieu, pieux envers mes parents et mes frères, et d’accomplir les ordres de Dieu dans toutes mes pensées, paroles et actions. Mais, hélas ! j’ai péché envers Dieu, et je n’ai pas rempli tous mes devoirs envers mes parents et mes frères. N’ayant pu vaincre nos trois ennemis (les trois concupiscences), mes péchés sont sans nombre. Ma mère, pardonnez-moi mes désobéissances ; mon oncle, mon