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ses dont il pouvait avoir besoin. — « Je ne souffre pas, dit-il, je ne sens pas la faim ; j’ignore de combien de coups on m’a frappé. Il me suffira d’avoir des provisions jusqu’au 10 de ce mois. » — Il ne s’expliqua pas davantage ; mais il est facile de comprendre qu’il avait reçu d’en haut la connaissance de son prochain martyre.

Le 8, le mandarin le fit amener et lui répéta les ordres qu’il avait reçus de le faire mourir s’il persistait dans son refus d’apostasier. « Depuis plusieurs années que je connais la religion, répondit Paul, je sais qu’il est juste de mourir pour Dieu ; n’espérez donc pas me voir l’abandonner. » — On le tortura et il fut reconduit en prison. Le lendemain, sa femme et trois ou quatre chrétiens étant venus le trouver, il les pria de se retirer, de peur que leur présence ne fît sur son cœur une impression qu’il redoutait. Comme ils demeuraient, il insista. «Pourquoi ne faites-vous pas ce que je vous dis ? Si le Seigneur me soutient, les tourments les plus cruels sont faciles à supporter ; s’il m’abandonne, les moindres souffrances sont insupportables. Si j’étais livré à ma propre faiblesse, il me serait impossible de demeurer ferme ; mais Jésus et Marie me soutenant, rien ne me fait peur. Je vous conjure de me quitter. » — Ils se retirèrent alors, pour ne pas l’affliger.

Le 10, au matin, les satellites vinrent l’avertir que le jour de sa mort était arrivé ; il tressaillit de joie, et son visage parut tout rayonnant. — « C’est étonnant, disaient les gens du prétoire, depuis que cet homme est en prison, quand il n’est pas torturé il est maigre, pâle et abattu ; les tourments au contraire semblent lui rendre la vie, et aujourd’hui qu’on lui annonce sa mort, il semble plus radieux que jamais » C’était l’anniversaire du jour où on lui avait fait faire le tour du marché. On lui mit une petite cangue et il s’avança vers la place, entouré de satellites qui portaient les instruments de supplice, et suivi du mandarin. Celui-ci descendit de cheval, et commanda de le torturer ; alors on le coucha à plat-ventre, la tête assujettie par ses longs cheveux, et les deux bras liés à une grosse pierre. On serra la cangue jusqu’à l’étouffer, et plusieurs bourreaux le frappèrent avec un morceau de bois triangulaire, sorte de hache dont chaque coup fait une plaie. Le mandarin lui demanda de nouveau s’il ne voulait pas apostasier. Paul épuisé ne put répondre. — Alors un satellite s’approcha et lui dit : « Si tu veux abjurer, il est encore temps. » Le martyr ramassa ce qui lui restait de forces pour crier : « Jamais ! » Ses lèvres étaient noires et desséchées, à peine semblait-il lui rester un souffle de vie. Quelques minutes après, il leva la tête, regarda le ciel, et dit : Je vous salue Marie, puis il retomba comme mort.