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d’abord : « La sainte Vierge, disait-il, m’ayant placé sur la croix, il n’est pas convenable que je mange cela. J’ai bien entendu dire que Jésus, sur la croix, n’avait eu que des souffrances, mais je n’ai pas vu qu’il ait pris rien de délicat. Moi aussi, je suis sur la croix, je dois faire comme lui. » — Il dut néanmoins céder à ses instances, et accepter ce soulagement. Ordinairement assis ou couché, il pensait sans cesse à Dieu, et en recevait d’abondantes consolations. Un jour, il entendit une voix qui lui disait ces paroles de la Salutation angélique : « Le Seigneur est avec vous ; » et il se sentit tout rempli de joie. (Le texte coréen donne à entendre, sans néanmoins le dire formellement, que c’était une voix miraculeuse.) Il semblait aussi avoir reçu une intelligence surnaturelle, et goûtait la beauté des prières chrétiennes mieux que les plus instruits. Pendant les plus grands froids de l’hiver, ses blessures le faisaient beaucoup souffrir, et, le jour de Noël, ayant subi un cruel interrogatoire, il fut pris d’une fièvre brûlante : « Voyez, disait-il, le Seigneur, par une faveur spéciale, afin que mon âme ne se refroidisse pas, me réchauffe au moyen des coups. »

Après le nouvel an, il fut mis par trois fois à la question. La troisième fois, le mandarin lui dit : « Si tu veux abjurer, je te donnerai du riz, je ferai soigner tes plaies, et je te procurerai une place de chef de canton qui suffira pour te remettre à l’aise. — Il répondit : Quand vous me donneriez tout le district de Tieng-san, je ne pourrais jamais renier Dieu. — Tu prétends, ajouta le mandarin, que les chrétiens honorent leurs parents, mais tes quatre enfants ne sont pas venus te voir une seule fois depuis que tu es en prison. A-t-on jamais vu des cœurs aussi dénaturés ? — Obéir à ses parents, répliqua Paul, n’est-ce pas les honorer ? Or, j’ai maintes fois recommandé à mes enfants de ne pas venir près de moi, de peur que cela ne fût plus nuisible qu’utile aux uns et aux autres : c’est cette défense qui les empêche de venir. »

Pendant la cinquième lune, les satellites venaient souvent le voir, et ne gardaient pas beaucoup la porte, semblant l’inviter à s’enfuir : mais il ne voulut pas le faire. Lorsqu’on l’y engageait, il répondait : « C’est le mandarin qui m’a fait mettre en prison, je ne puis en sortir que sur son ordre. » Des chrétiens vinrent le voir, et lui dirent que la conduite des satellites ne pouvant qu’être dictée par le mandarin, il ne devait pas se faire scrupule de s’enfuir. Il réfléchit un peu et répondit : « Si nous nous laissons prendre aux pièges du démon, nous courons risque