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rin monta à cheval, et, à coups de fouet, on força les deux confesseurs à courir devant lui jusqu’au marché. Pendant le trajet, une foule considérable se pressait sur leur passage, attirée par les cris des satellites, et les coups redoublés du tambour. Il était environ neuf heures du matin. Lorsqu’ils furent arrivés, le mandarin prit la parole : « Ces deux misérables, dit-il, sont chrétiens, et leur crime est celui des rebelles. Ils ne servent pas le roi, ne respectent pas leurs parents, et enfreignent la loi naturelle. Lorsqu’ils auront fait le tour du marché, on les fera mourir. » Il leur fait ensuite donner dix coups de planche, en leur commandant d’apostasier. — « J’ai déjà répondu à toutes vos accusations, dit Paul, je n’ai rien à ajouter. » On lui frappa les côtés avec la pointe de plusieurs bâtons à la fois, en répétant le même ordre. « Quand je devrais mourir dix mille fois, reprit le courageux chrétien, je ne puis apostasier. » — Le peuple admirait sa fermeté et disait : « Certainement, celui-là n’abjurera point. » Il était sept heures du soir, lorsqu’on les reporta en prison, après un supplice de plus de douze heures. Les satellites essayèrent encore d’ébranler Paul, en lui représentant que, s’il n’obéissait au mandarin, il ne pouvait éviter la mort. Il se contenta de répondre qu’il le savait bien. « Quel rebelle obstiné ! » disaient les soldats avec dépit.

Quatre jours après, le geôlier vint les prévenir que le mandarin avait ordonné pour le lendemain un grand repas sur la place publique. Les apostats devaient y prendre part avec lui ; les confesseurs, au contraire, s’ils persistaient dans leur résolution, devaient être mis à mort. Le compagnon de Paul ne comprenant pas bien ces paroles, croyait que la paix serait peut-être rendue aux fidèles. « Il n’en est rien, dit celui-ci. Ne nous laissons pas aller à un vain espoir, qui nous rendrait les supplices plus pénibles. Pour moi, je veux demeurer en prison, et si le mandarin m’obligeait à en sortir, loin de fuir, je resterais dans la ville. » — Son compagnon, saisi de crainte, se cachait la tête entre les mains, et gardait le silence. « Qu’as-tu ? demanda Paul. — Vraiment, je ne sais comment supporter les supplices ; que faire ? — Il est vrai que, moi aussi, je souffre beaucoup, et comme je suis plus vieux que toi, mon âge me rend les tortures encore plus pénibles ; mais le ciel s’achète t-il à vil prix ? Les souffrances sont la monnaie avec laquelle on achète le bonheur éternel. Prends courage et souffre encore quelques instants. »

Le lendemain, on les conduisit sur la place du marché. Là