Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le lendemain, le mandarin les menaça de les faire conduire tous deux au marché qui se tenait à six lys (environ trois quarts de lieue) de la ville, et de les exposer à tous les outrages de la multitude. — « C’est pour la cause de Jésus-Christ, répondit Paul, nous ne pourrons jamais assez reconnaître un pareil honneur. — La doctrine de Confucius, dit le mandarin, ou bien celle de Meng-tse, ou bien celle de Fo, sont véritables. Pour vous, refusant de vous en instruire, où êtes-vous allés chercher cette fausse doctrine que vous suivez, et pourquoi voulez-vous en infester tout le pays ? Votre secte ne connaît ni roi, ni parents ; vous vous livrez aux plus monstrueux penchants, et vous suivez cette doctrine, malgré la défense du roi. C’est là un grand désordre, et vous êtes dignes de mort. »

« Ignorant comme je suis, répondit Paul, je ne connais pas la doctrine de Confucius ni celle de Meng-tse qui sont réservées aux seuls lettrés. Celle de Fo ne regarde que les bonzes. Mais la religion chrétienne est faite pour tous les hommes ; votre serviteur va vous en dire quelque chose. Au commencement Dieu seul existait ; c’est lui qui a créé tout ce qui existe. Après la création, il y eut des époux et des familles, puis des rois et des sujets. Fo, Confucius, Meng-tse, les rois et les sujets, sont postérieurs à la création du ciel et de la terre. Dieu est le vrai roi du ciel et de la terre, le maître et le conservateur de toutes choses, le vrai père de tous les peuples, la source véritable de la piété filiale et de la fidélité aux princes. La piété filiale et la fidélité aux princes sont ordonnées par le quatrième des dix commandements. Pourquoi donc nous reprocher si injustement de ne connaître ni les parents ni le roi ? » — « S’il en était ainsi, reprit le mandarin, le roi, la cour et les mandarins le sauraient, et c’est d’eux que le peuple l’apprendrait ; au contraire, ils prohibent votre religion parce qu’elle porterait malheur à la Corée. Et vous, peuple stupide, qui refusez d’obéir et de dénoncer vos maîtres, vous méritez la mort. » — « Mourir pour Dieu, dit Paul, c’est assurer à son âme une gloire éternelle. »

On les fit alors sortir du tribunal. Les satellites les accablaient d’injures, en leur donnant des soufflets ou des coups de pied, les couvrant de crachats, ou pesant de tout leur poids sur les cangues des confesseurs. Les uns disaient : « Aujourd’hui, après vous avoir fait faire le tour du marché, on vous tuera. — Ces coquins-là vont monter au ciel, » s’écriaient les autres. Enfin, on leur barbouilla la figure avec de la chaux ; on leur attacha une inscription sur la tête, et, sur le dos, un énorme tambour. Le manda-