Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et, dans son nouveau gouvernement de T’siong-tsiou, il suivit la même ligne de conduite. On raconte qu’il choisissait les jours d’abstinence des chrétiens, pour réunir chez lui les lettrés, et qu’il leur faisait servir de la viande, afin de reconnaître s’ils pratiquaient ou non la religion. Les trois villes, que nous venons de nommer, Kim-tseng, Niei-san et T’siong-tsiou, avaient été, avec intention, choisies pour la résidence de ces dignitaires disgraciés. On savait que les chrétiens y étaient comparativement fort nombreux, et on voulait les effrayer et mettre obstacle à la conversion des gentils.

La disgrâce de ces trois hommes influents, dont deux apostats et un païen, montre bien clairement que les ennemis des chrétiens voulaient, non-seulement détruire la nouvelle religion, mais aussi abattre le parti Nam-in, dans la personne de ses principaux chefs. Quant à la conduite du roi, en cette circonstance, elle nous est expliquée comme il suit, dans les mémoires du martyr Alexandre Hoang.

« Le feu roi, dit-il, n’était pas sans craintes du côté de la Chine. La présence d’un prêtre de cette nation en Corée, pouvait lui attirer des difficultés avec la cour de Péking, difficultés d’autant plus graves qu’il lui eût été impossible de prétexter son ignorance du fait, puisque des preuves certaines en avaient été données devant les tribunaux. D’un autre côté, il répugnait, par caractère, aux mesures violentes. Jamais il n’avait voulu consentir à une persécution générale, et ce n’était qu’à force d’instances qu’on lui avait arraché, dans quelques cas particuliers, la signature des sentences de mort. Il eût désiré se débarrasser sans bruit du prêtre, et amener les chrétiens à l’apostasie par les séductions ou les menaces, plutôt que par les supplices. Il démêlait très-bien d’ailleurs les haines politiques qui, chez ses ministres, se déguisaient sous l’apparence de zèle pour la religion nationale, mais il n’avait pas la force d’y résister, et le plus souvent fermait les yeux sur les excès commis en son nom contre les chrétiens, par les différents mandarins des provinces. La plupart de ceux-ci, se sentant appuyés à la cour, donnèrent libre carrière à leur rapacité et à leurs rancunes. »

Une de leurs premières victimes fut Thomas Kim, connu aussi sous le nom de Kim P’ong-heu, (c’est-à-dire : chef de canton ou collecteur d’impôts). Né dans la province de T’siong-t’sieng, au district de T’sieng-iang, d’une famille du peuple, il avait reçu quelque instruction. Son caractère droit et ferme lui avait attiré l’estime de ses concitoyens, et c’est sur la demande du peuple