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en composait de nouveaux. Il jeûnait, se mortifiait et se sacrifiait tout entier à son devoir. Il semble même que Dieu voulut rehausser par des miracles l’éclat des vertus de son serviteur. Une tradition respectable rapporte qu’un jour, pendant son séjour à la capitale, un incendie éclata au quartier T’sang-kol. Le feu durait depuis vingt-quatre heures, lorsque le prêtre, désolé de ses affreux ravages, et ne pouvant aller lui-même sur les lieux, envoya le jeune Song, fils de Philippe Song, avec ordre de jeter de l’eau bénite sur les flammes. Le jeune homme s’acquitta de la commission, pendant que le P. Tsiou demeurait en prière, et presque aussitôt le vent changea, et poussa les flammes du côté où il ne restait plus que des ruines.

La prudence du prêtre, disent les relations coréennes, ses talents, son zèle, ses vertus, le mettaient au-dessus du commun des hommes. Il était environné de dangers ; néanmoins, semblable au Koue[1] dont on a réussi à cacher les angles, en l’environnant de cent pointes différentes, il sut, à force de précautions et d’expédients, se sauver de tous les mauvais pas. Lorsqu’il entra en Corée, la sainte religion du Maître du ciel ne faisait encore que de naître. L’éclat de sa doctrine était comme voilé par la grande ignorance des chrétiens. Pour remédier à ces maux, il ne se contenta pas de composer des livres, et de répandre lui-même l’instruction, mais il corrigea les abus, d’une main ferme et sage, et parvint à faire observer fidèlement par tous les pratiques de la foi. Il institua, sur le modèle d’une association semblable depuis longtemps établie à Péking, le Mieng-to ou confrérie de l’instruction chrétienne, que nous avons mentionnée plus haut. Le but des associés était de s’encourager et de s’aider mutuellement, d’abord à acquérir eux-mêmes une connaissance approfondie de la religion, et ensuite à la répandre parmi leurs amis chrétiens et païens. Augustin Tieng Iak-tsiong fut établi président de cette confrérie. Le P. Tsiou désigna ensuite les lieux de la ville où devaient se tenir les assemblées, nomma les chefs qui devaient y présider, statua que les hommes y assisteraient séparés des femmes, en un mot, il régla tout avec poids et mesure. Échauffés par son zèle, tous les confrères s’empressaient de venir recevoir le billet que les chefs distribuaient mois par mois, à chacun des membres, leur assignant pour patron un des saints honorés par l’Église durant ce mois ; c’est ce qu’on appelait le

  1. Le Koue est une tranche d’ivoire avec laquelle on représente les mandarins des anciennes dynasties.