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Pendant qu’on mettait à mort ceux qui l’avaient introduit en Corée, et qu’on faisait de tous côtés des recherches pour le saisir, le P. Tsiou était caché dans le bûcher d’une femme chrétienne. Cette néophyte courageuse, qui exposait ainsi sa vie pour le sauver, se nommait Colombe Rang Oan-siouk-i. Comme elle a joué un grand rôle dans l’histoire de la chrétienté à cette époque, nous allons raconter sa vie avec quelque détail. Elle était née dans le Nai-po, d’une famille païenne de demi-nobles, ou, selon l’expression coréenne, de nobles bâtards. On nomme ainsi les familles issues d’une mésalliance. Dès son enfance, Colombe montra une pénétration d’esprit remarquable, jointe à un cœur droit, ferme et courageux. Elle ne se permettait point d’actions mauvaises, et supportait avec beaucoup de patience le caractère acariâtre de sa mère. Son âme élevée aspirait déjà à quelque chose de grand. Elle s’appliquait à pratiquer les maximes de la religion de Fo, et avait même formé, dit-on, le dessein de quitter le monde, pour se livrer toute entière aux exercices religieux de cette secte.

Colombe fut mariée à un demi-noble du district de Tek-san, nommé Hong Tsi-ieng-i, qui avait perdu sa première femme. C’était un homme d’une simplicité extrême, entièrement dépourvu des qualités de l’intelligence, avec lequel Colombe avait bien de la peine à vivre en bonne harmonie, et qui lui causait beaucoup de chagrins. Elle faisait néanmoins tous ses efforts pour lui être agréable, et par ses prévenances et sa douceur, elle sut gagner l’affection de sa belle-mère dont le caractère était assez difficile. Colombe était mariée depuis quelque temps, quand pour la première fois elle entendit un parent de son mari, nommé Paul, parler de la religion du Maître du ciel. Ce mot la frappa. « Le Maître du Ciel, se dit-elle, ce doit être le maître du ciel et de la terre. Le nom de cette religion est juste, et sa doctrine doit être vraie. » Elle demanda des livres, et en les lisant, son cœur comprit la grandeur et la beauté de la vérité évangélique. Elle s’attacha à la religion par toutes les puissances de son âme et, dès ses premiers pas dans la vie chrétienne, aspira aux vertus héroïques. Son assiduité à remplir tous ses devoirs, sa ferveur, sa mortification étaient admirables. Elle s’appliqua aussitôt à convertir sa maison, ses parents et ses amis ; et son zèle s’étendit jusqu’aux villages voisins. Son mari fut le principal objet de sa sollicitude. Quand elle l’exhortait à se faire chrétien, il disait : « C’est vrai, c’est vrai, » mais quand ensuite les ennemis de la religion la décriaient, il remuait la tête en signe