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frappé, plus cruellement que la veille, avec la planche à voleurs. Ses chairs étaient en lambeaux, ses deux épaules brisées, et les os du dos, tout meurtris, restaient à nu. C’est dans ce triste état qu’on le reconduisit à la prison. Malgré ses souffrances, son visage respirait le contentement et la joie. Il se mit à prêcher les geôliers, prétoriens et satellites, et peu de jours après, un chrétien étant venu le voir à la prison, il reçut de lui le baptême, car jusqu’à ce moment, il n’était que catéchumène. Cependant le mandarin ayant fait un rapport au gouverneur de la province, en reçut l’ordre de faire mourir Pierre sous les coups. Au troisième interrogatoire devant le juge criminel, on déploya un appareil formidable, et un grand nombre de satellites furent placés autour du confesseur pour l’effrayer. Le juge lui dit : « Le désir de te sauver la vie m’a fait employer tous les moyens pour te faire revenir à de meilleurs sentiments ; mais comme tu ne voulais rien écouter et que tu t’obstinais à désirer la mort, j’ai averti le gouverneur, et j’en ai reçu l’ordre de te faire périr sous les coups ; sache donc que cette fois tu vas mourir. » Pierre répondit : « c’est mon vœu le plus ardent. » À ces mots, on serra ses liens, et on commença à lui faire subir des tortures affreuses qui durèrent tout le jour. Pierre les supporta courageusement, mais il eut le corps tellement broyé qu’il ne pouvait plus faire usage de ses membres. On dut l’emporter à la prison, et lui faire mettre dans la bouche les aliments qu’il ne pouvait plus prendre lui-même.

Enfin le juge criminel et le mandarin réunis, firent un dernier effort pour le gagner, en lui parlant de ses enfants, qui sans cesse l’attendaient et l’appelaient. « Ceci me touche vivement, répondit Pierre, mais c’est Dieu lui-même qui m’appelle, comment pourrais-je ne pas répondre à sa voix ? » Alors ils lui firent donner le régal ordinaire des condamnés à mort. Puis on se mit à le battre avec plus de rage qu’auparavant, de manière à le tuer aussi vite que possible. Mais il ne mourait pas. Le mandarin, les satellites et les bourreaux, épuisés de fatigue, se dirent alors : « ce coupable ne sent pas les coups, il n’y a pas moyen d’en finir. » — « Je sens les coups, répondit Pierre, mais Dieu est là qui me parle et me fortifie lui-même. » En entendant ces paroles, le mandarin dit : « Ce coquin-là a sans doute le diable à ses ordres, » et il fit frapper plus fort, mais inutilement. À la fin, désespérant de le tuer ainsi, le mandarin commanda de le lier et de l’exposer couvert d’eau au froid de la nuit, pour le faire geler. Pierre fut donc attaché avec une grosse corde et on lui versa de l’eau sur