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« cette cangue de bois est trop légère, disait-il au mandarin, faites-m’en mettre une de fer. » La position du mandarin devenait difficile : toute la ville était en émoi et les murmures commençaient à se faire entendre, car Laurent Pak était très-populaire. N’osant pas le condamner, il s’en débarrassa en l’envoyant ailleurs. Laurent comparut successivement devant les tribunaux criminels de Hai-mi et de Hong-tsiou. Dans ce dernier, il fut soumis à une cruelle flagellation, mais son courage ne se démentit pas. Il y avait un mois et quelques jours qu’il était emprisonné, lorsqu’une dépêche de la cour arriva ordonnant de le relâcher.

Kim Pié, l’aïeul du premier prêtre indigène de la Corée, le vénérable André Kim, montra la même constance devant les juges ; néanmoins, il ne put pas obtenir la couronne du martyre.

Pierre Ouen Si-tsiang-i fut plus heureux. Il était originaire du village de Eug-tsien-i, au district de Hong-tsiou, et descendait d’une famille honnête et jouissant d’une belle fortune. La violence sauvage de son caractère, l’avait fait surnommer le Tigre. En 1788 ou 1789, il était âgé de plus de cinquante-cinq ans, lorsqu’il entendit parler de la religion chrétienne. Par une grâce extraordinaire de Dieu, il se convertit à l’instant, mais sans en parler à personne, et un jour il quitta sa maison, en disant : « J’ai vécu inutilement plus de cinquante années, quand je reviendrai, on saura la cause de mon départ. Soyez sans inquiétude et surtout ne m’attendez pas. » Il partit à l’instant, et, pendant plus d’un an, on ne put en avoir aucune nouvelle. Enfin, Pierre ayant reparu, ses parents et ses amis accoururent près de lui, lui faisant mille questions, auxquelles il répondit en souriant : « Pendant plus de cinquante ans, j’ai failli bien des fois mourir, mais maintenant j’ai une médecine qui assure la vie pour des milliers d’années, je vous expliquerai cela demain. » Le lendemain, en effet, il réunit tous ses parents, et se mit à leur développer l’origine et la fin de ce monde, l’existence d’un Dieu créateur et conservateur de toutes choses, le péché originel, l’Incarnation, les commandements de Dieu, le ciel et l’enfer, enfin, tout ce qu’il savait de la religion chrétienne. « Voilà, ajouta-t-il, pour quiconque a bonne volonté, le moyen de vivre éternellement. Ô vous tous, recevez mes paroles comme mes vœux testamentaires, et embrassez comme moi cette religion divine. » La grâce accompagnait ses paroles, tous promirent de se mettre, dès ce jour, au service du grand roi et père commun de tous les hommes.