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mais j’ai reçu les visiteurs qui venaient faire leurs condoléances, et ne les ai pas empêchés d’entrer. J’ai aussi rendu à mon père et à ma mère tous les honneurs de la sépulture. Pour les livres, je viens d’expliquer ce qu’il en était ; je n’en ai point à livrer. Je n’ai pas non plus de compagnons à déclarer. Pour ce qui regarde les évêques, ce nom même n’existe pas ici. En Europe, cette dignité existe, et l’on dit qu’ils traitent les affaires de la religion. Si vous voulez en demander, c’est en Europe qu’il faut le faire. Enfin dans la religion, il n’y a pas de maître, ni de disciple, dans le sens que l’on y attache ici. — Le gouverneur se tournant alors vers Jacques Kouen : — Et toi, lui dit-il, quels livres as-tu étudiés ? — J’ai étudié le livre de la vraie notion de Dieu, et celui des sept vertus capitales. — D’où les as-tu reçus ? — Je les ai lus avec mon cousin Ioun Tsi-t’siong-i qui les avait empruntés. — Les as-tu aussi copiés ? — Je ne l’ai pas fait. — As-tu omis aussi les sacrifices ? — Je les ai omis. — Et brûlé les tablettes ? — J’ai encore chez moi, les boîtes que le mandarin a notées lors de sa visite. — Le gouverneur l’interrogea ensuite sur sa parenté avec divers personnages, et continua : — Un de tes parents, à la capitale, a répandu le bruit que tu avais brûlé les tablettes, que faut-il en croire ? — Depuis que j’ai omis les sacrifices, mes parents me regardent comme un ennemi, et me réprimandent en disant : « Cet être-là en viendra sûrement à brûler les tablettes. » Leurs paroles de blâme, en se répandant, ont fait du bruit, et c’est ainsi qu’on a conclu sans doute que je les avais détruites[1]. — Le gouverneur s’adressant à moi de nouveau me dit : — Connais-tu Hong Nak-ani ? — Je le connais de nom, mais ne l’ai jamais vu. — Hong Nak-ani et ses amis ont fait un rapport au ministre contre vous, et celui-ci m’a envoyé des ordres. Telle est la cause de toute cette affaire. Mais le bruit qui court que tu n’as pas enterré tes parents, doit avoir un fondement quelconque ; comment pourrait-on dire en l’air de telles paroles ? — J’ignore vraiment la cause de ces bruits. Au moment de l’enterrement, la peste était dans ma maison, mes parents et amis ne vinrent pas, et ne pouvant avoir de rapports avec les étrangers, je fis toute la cérémonie

  1. En cet endroit, ainsi que dans les deux défenses écrites qui suivent, les confesseurs affectent de cacher le fait d’avoir brûlé les tablettes de leurs ancêtres, avant de les enterrer. C’était un acte passager de faiblesse, causé sans doute, par un reste de respect mal entendu pour les préjugés de leur nation. Plus loin, nous les verrons avouer courageusement qu’ils les ont brûlées, et aller au supplice par suite de cet aveu. Ces passages du récit de Paul, tout à son désavantage, montrent avec quelle loyauté et quelle exactitude il raconte ce qui s’est passé.