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on nous y conduisit. Là, nous nous assîmes sur le plancher en dehors de la porte. Puis, quand tout le monde se fut retiré, on nous fit passer à la salle où se trouvaient les voleurs, et nous fûmes bien obligés de prendre place parmi eux. Heureusement, le geôlier vint bientôt après nous faire entrer dans la chambre des gardiens. Cet appartement avait le désagrément d’être peu éloigné de la prison des brigands, mais en revanche il était élevé et le sol un peu chauffé. C’était comme une chambre ordinaire. Nous y passâmes la nuit, tantôt étendus à terre et sommeillant, tantôt assis. Le 30, à la pointe du jour, on nous lit encore changer d’habitation, et quand le jour fut tout à fait levé, on nous conduisit à la prison du gouverneur, qui nous cita à sa barre après midi, et nous fit subir l’interrogatoire suivant : — Quel est celui d’entre vous qui se nomme Ioun ? et quel est celui qui s’appelle Kouen ? — Chacun de nous répondit en déclarant son nom. — Quelle est votre occupation ordinaire ? — Dans ma jeunesse, lui répondis-je, je me suis appliqué à la littérature afin de passer les examens ; depuis quelque temps, je me livre aux études qui règlent le cœur et la conduite de l’homme. — Tu as étudié les livres classiques des lettrés ? — Je les ai étudiés. — Si tu veux régler ton cœur et ta conduite, nos livres sacrés ne suffisent-ils pas, et pourquoi aller te perdre dans des superstitions ? — Je ne suis nullement perdu dans la superstition ? — Et la religion qu’on appelle du Maître du ciel, n’est-ce pas une superstition ? — Dieu est le père suprême, créateur du ciel, de la terre, des anges, des hommes et de toutes les créatures ; son service se peut-il appeler superstition ? — Donne-moi un simple sommaire de cette doctrine. — Le lieu où nous sommes convient pour examiner les causes criminelles et non pour développer une doctrine. Ce que nous pratiquons se réduit aux dix commandements et aux sept vertus capitales. — De qui as-tu reçu tes livres ? — Je pourrais bien l’indiquer, mais quand on me prêta ces livres, la défense du roi n’existait pas, et par suite, celui qui les prêtait n’était pas coupable. Aujourd’hui qu’il y a défense rigoureuse, si je le désignais, il serait exposé, sans aucune culpabilité de sa part, à de violents supplices ; comment pourrais-je m’y résoudre ? ce serait enfreindre le précepte qui nous défend de nuire au prochain, je ne puis donc le dénoncer. — Il n’en est pas ainsi ; quand même tu le déclarerais, cet homme qui t’a prêté ces livres avant la prohibition, n’en deviendra certainement pas coupable. Ne sois donc pas retenu par cette vaine crainte. Le roi ayant ordonné de faire des informations exactes, si tu ne déclares rien, comment