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mon cousin Kouen il lui dit : — Toi qui as vécu au milieu de tous tes parents, as-tu répandu ces superstitions parmi eux ? — Nous gardâmes tous les deux le silence, et le mandarin ne recevant pas de réponse, nous renvoya. Nous étions accompagnés du prétorien préposé aux affaires criminelles, d’un satellite et d’un geôlier. Ils avaient reçu l’ordre de nous faire partir sur l’heure, mais la nuit étant déjà venue quand nous sortîmes du tribunal, il fut impossible de se mettre en route, et nous couchâmes chez le correspondant du canton[1].

« Le 29, au premier chant du coq, nous étions en route. Nous fîmes une première halte à l’auberge de Sin-keren pour déjeuner, et plus tard une deuxième, à Kai-pa-hai, pour faire manger les chevaux. À la chute du jour, après avoir passé près de l’hôtel de voyage des dignitaires à An-tek, et franchi un petit monticule, nous rencontrâmes les satellites du tribunal criminel qui venaient nous chercher. De nombreux valets étaient sur pied et s’avançaient en poussant de grandes clameurs, et en faisant un tel vacarme, que notre prise ressemblait à celle d’insignes voleurs. On nous conduisit à la préfecture, en dehors de la porte du sud, et, comme les ténèbres étaient déjà complètes, et la nuit avancée, on alluma des torches à notre droite et à notre gauche, et l’on nous plaça près des gradins du tribunal. Le juge criminel nous dit : quels sont vos noms et prénoms ? — Nous les déclinons. — Connaissez-vous le crime dont vous êtes accusé ? — J’ignore ce dont il est question. Notre gouverneur nous ayant envoyés au juge, nous sommes venus sur son ordre, et contre toute attente, nous avons été, en route, saisis comme des voleurs. — Quelles sont vos occupations habituelles ? — Je me livre à l’étude. — À quelles études ? — À l’étude de la religion ? — En quel endroit vous étiez-vous retirés chacun séparément ? — J’ai été à Koang-tsiou, répondis-je ; et moi à Han-sou, dit mon cousin Jacques Kouen. Ayant appris, chacun de notre côté, l’ordre du mandarin, nous sommes revenus de suite, sans même faire halte la nuit, pour nous livrer entre ses mains. — Nous répondîmes ainsi franchement. Peu après, on passa au cou de chacun de nous une grande cangue du poids de dix-huit livres ; on nous attacha en outre au cou une chaîne de fer, et par un croc en bois on nous fixa la main droite contre le bord de la cangue.

« Le juge ayant donné l’ordre de nous emmener à la prison.

  1. On appelle ainsi le représentant que chaque mandarin inférieur, ou mandarin d’un canton, doit avoir à la capitale.