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empêché d’arriver à cette extrémité. Cependant, tout n’est pas perdu. Il y a eu, par le passé, de grands hommes qui sont revenus, après avoir été longtemps égarés par les doctrines de Fo et de Lao-tse. Si donc, dès maintenant, tu songes à changer, tu peux encore marcher sur leurs glorieuses traces. — S’il y avait encore pour moi possibilité de changer, je l’aurais fait tout d’abord, et je ne serais pas venu jusqu’ici. — Il n’y a donc plus rien à tenter pour t’amener à de meilleurs sentiments ! Pour moi, je ne veux ni décider ton sort, ni t’interroger minutieusement. Arrivé devant le tribunal criminel, tu auras à rendre compte de toute ta conduite. Ce corps que tu as reçu de tes parents, tu veux donc follement lui faire souffrir les supplices et la mort ? De plus, tu es cause que ton oncle est emprisonné dans sa vieillesse ; est-ce là remplir le devoir de la piété filiale ? — Acquérir la vertu en dépit des supplices et de la mort, est-ce manquer de piété filiale ? Aussitôt que j’ai appris l’incarcération de mon oncle, sans même faire halle la nuit, je suis accouru me livrer entre vos mains ; n’est-ce pas là remplir les devoirs de la piété ?

« Le mandarin ordonna alors de me traiter selon la loi, et aussitôt on me passa au cou une lourde cangue, puis il me dit en soupirant : — Dans quel accoutrement te voilà ! Mourir sous la cangue et dans les fers, c’est mourir en criminel. — Il me fit conduire à la prison ; mais la chambre qui m’était destinée étant en ruines, et n’ayant pas encore pu être restaurée, je fus déposé dans une autre pièce. Ainsi se termina la journée.

« Le 27 se passa sans aucun incident remarquable. Le 28, à l’heure du déjeuner, je vis entrer dans la prison mon cousin Jacques Kouen. Il venait de subir son interrogatoire. On lui avait fait les mêmes questions, et il y avait répondu de la même façon que moi. À midi, le mandarin fit appeler mon oncle ; et, après lui avoir adressé de longues condoléances : — Ne pouviez-vous donc pas, lui dit-il, faire comme tel et tel, que vous connaissez, et empêcher ces jeunes gens de se livrer aux pratiques mauvaises ? — Mon oncle ne répondit pas un seul mot, sortit du tribunal ; et fut, je crois, relâché à l’heure même. Vers la chute du jour, nous fûmes cités de nouveau, mon cousin et moi ; la grande cangue nous fut enlevée et fut remplacée par la petite : — Vous allez, nous dit le mandarin, partir pour Tsien-tsiou, résidence du Tsieng-min-si, gouverneur de la province. Mais quelle conduite tenez-vous donc ? ne pas suivre, avec la doctrine des lettrés, une voie de plaisirs, et s’attirer soi-même des malheurs, qu’est-ce que cela signifie ? — Puis, regardant