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duites en coréen. Nous reproduisons intégralement ces documents parce qu’ils sont les premiers de ce genre qui nous aient été conservés, et parce qu’ils feront comprendre, mieux que toute explication, les idées du peuple coréen sur le culte des ancêtres, et ses terribles préjugés contre la religion chrétienne.

« Vers le soir du vingt-sixième jour de la dixième lune (1791), j’arrivai à la préfecture de Tsin-san, et aussitôt après le souper je fus cité devant le mandarin. — En quel état te vois-je, s’écria-t-il, et comment en es-tu arrivé là ? — Je ne comprends pas très-bien ce que vous me demandez, lui répondis-je. — Je dis qu’il circule contre toi des bruits très-graves. Se pourrait-il qu’ils soient fondés ? Est-il vrai que tu sois perdu dans des superstitions ? — Je ne suis nullement perdu dans des superstitions ; seulement, il est vrai que je professe la religion du Maître du ciel. — Et n’est-ce pas là une superstition ? — Non, c’est la véritable voie. — S’il en est ainsi, tout ce qui s’est pratiqué depuis Pok-hei jusqu’aux grands hommes de la dynastie Siong, tout est donc mensonge ? — Dans notre religion, parmi les commandements, se trouve celui qui nous défend de juger et de condamner autrui. Pour moi, je me contente de suivre la religion du Maître du ciel, sans songer ni à critiquer personne, ni à faire des comparaisons. — Tu refuses d’offrir des sacrifices aux ancêtres ; mais l’animal Sei-rang ne fait-il pas lui-même preuve de reconnaissance envers les auteurs de ses jours ! Certains oiseaux savent aussi faire les sacrifices ; à plus forte raison, l’homme doit-il en agir ainsi[1]. N’as-tu pas lu le passage des livres de Confucius où il est dit : Celui qui, pendant la vie de ses parents, les a servis selon toutes les règles, qui, après leur mort, a fait leurs funérailles selon toutes les règles, enfin offert les sacrifices selon les rites prescrits, celui-là seulement peut dire qu’il a de la piété filiale. — Tout cela, répondis-je, n’est pas écrit dans la religion chrétienne. — Alors, le mandarin citant d’autres passages des livres sacrés de Confucius, m’exhorta vivement à changer de conduite, et me dit en soupirant : — Quel dommage ! Depuis tant de générations la renommée de ta famille est allée en grandissant jusqu’à toi ; la voilà entièrement ruinée. Tu avais toi-même la réputation d’un lettré plein de talent ; mais ton esprit manquant de maturité et de réflexion, tu en es venu au point d’abandonner le culte de tes pères. Si j’avais su plus tôt que tu agissais ainsi, je serais allé de suite t’exhorter, te faire ouvrir les yeux, et je t’aurais

  1. Ancien proverbe coréen fondé sans doute sur quelque histoire fabuleuse.