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manière de servir l’Empereur suprême, créateur de toutes choses, est au plus haut degré chez les Européens. Sans cette doctrine nous ne pouvons rien. Sans elle on ne peut régler son cœur et son caractère. Sans elle, on ne peut approfondir les principes des choses. Sans elle, comment connaître les différents devoirs des rois et des peuples ? Sans elle, point de règle fondamentale de la vie. Sans elle, la création du Ciel et de la terre, les lois des pôles, le cours et les révolutions régulières des astres, la distinction des bons et des mauvais esprits, l’origine et la fin de ce monde, l’union de l’âme et du corps, la raison du bien et du mal, l’incarnation du Fils de Dieu pour la rémission des péchés, la récompense des bons dans le ciel et la punition des méchants dans l’enfer, tout cela nous reste inconnu. » À ces paroles, Seng-oun-i qui ne connaissait pas encore les livres de religion, fut ému de surprise et d’admiration. Il demanda à voir quelques-uns de ces livres, et ayant parcouru ceux que Piek-i avait en sa possession, tout ravi de joie il demanda ce qu’il devait faire. « Puisque tu vas à Péking, dit Piek-i, c’est une marque que le Dieu suprême a pitié de notre pays et veut le sauver. En arrivant, cours aussitôt au temple du Maître du ciel, confère avec les docteurs européens, interroge-les sur tout, approfondis avec eux la doctrine, informe-toi en détail de toutes les pratiques de la religion, et apporte-nous les livres nécessaires. La grande affaire de la vie et de la mort, la grande affaire de l’éternité est entre tes mains : va, et surtout n’agis pas légèrement. »

Ce discours de Piek-i nous le montre plus altéré de la soif de la religion que de la soif de la science. La grâce de Dieu préparait son cœur ; la grande affaire du salut devenait de plus en plus, pour lui, la seule importante. Ses paroles pénétrèrent profondément dans l’âme de Seng-houn-i. Il les reçut comme la parole du Maître, et promit de faire tous ses efforts pour réaliser leurs communs désirs.

Seng-houn-i partit donc pour Péking dans les derniers mois de l’année 1783. Arrivé dans cette capitale, il se rendit à l’église du Midi[1], où il fut reçu par l’évêque Alexandre Tong auquel il demanda à s’instruire. — C’était le célèbre Alexandre de Govéa, Portugais, de l’ordre de Saint-François, l’un des plus doctes et des plus grands évêques dont peut se glorifier l’église de Chine, et l’un de ceux qui ont le plus travaillé à ramener les chrétiens

  1. Il y avait alors dans Péking quatre églises, une à chacun des points cardinaux. Celle du midi était, et est encore, la cathédrale.