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CHAPITRE II.

Origine de l’Église de Corée. — Premières conversions.


L’an de Jésus-Christ 1784, le jour du salut se leva enfin pour la Corée. Alors Dieu, dans sa miséricorde, y implanta la foi chrétienne d’une manière définitive ; alors commença cette glorieuse Église, qui, depuis, n’a cessé de grandir et de se fortifier à travers les persécutions et les vicissitudes dont nous allons retracer l’émouvante histoire.

Le principal instrument dont la Providence se servit pour introduire l’Évangile en Corée fut Ni Tek-tso, surnommé Piek-i. Il descendait de la famille des Ni de Kieng-tsiou, et parmi ses ancêtres, déjà dans les dignités sous la dynastie Korie, on comptait un grand nombre de personnages qui s’étaient distingués dans les lettres, et avaient été honorés des plus hautes fonctions publiques. Depuis deux ou trois générations, cette famille s’était tournée exclusivement vers la carrière des armes, et ses membres avaient obtenu des grades militaires importants. Piek-i étant doué des plus belles qualités du corps et de l’esprit, son père voulut l’appliquer, dès son enfance, aux exercices de l’arc et de l’équitation, qui pouvaient plus tard rendre son avancement facile. Mais l’enfant s’y refusa avec obstination, allant jusqu’à dire que, dût-il mourir, il ne s’y livrerait pas. Par là, il perdit, en partie au moins, l’affection de son père, qui lui donna ce surnom de Piek-i, pour désigner la ténacité de son caractère.

Avec l’âge, Piek-i devint un homme d’une haute stature et d’une force prodigieuse. « Il avait, disent les relations coréennes, une taille de huit pieds[1], et d’une seule main pouvait soulever cent livres. Son extérieur imposant attirait vers lui tous les regards ; mais il brillait surtout par les qualités de l’âme et les talents de l’esprit. Son élocution facile pouvait être comparée

  1. Le pied coréen est plus petit que le pied français.

    À ce propos, il est bon de rappeler au lecteur que les mémoires de Mgr Daveluy sur cette période primitive, ne sont le plus souvent que la traduction littérale des documents originaux coréens, ce qui explique l’emphase toute orientale de certaines descriptions d’hommes et de choses.