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C’était le 2 septembre 1622, journée à jamais glorieuse pour l’Église du Japon, qui s’enrichit d’un seul coup de cinquante-deux martyrs. Cinq d’entre eux étaient Coréens : Inès, que nous venons de nommer, Antoine, qui fut brûlé vif, Marie, femme d’Antoine, et leurs deux enfants, Jean, âgé de dix ans, et Pierre, âgé de trois ans, qui furent décapités.

Le 4 septembre 1624, Sixte Cazayernon et sa femme Catherine furent décapités à Chembocou.

Le 5 novembre de la même année, le jeune Coréen Caïo fut brûlé vif à Nangasaki. Son histoire prouve, d’une manière éclatante, que Dieu ferait un miracle plutôt que d’abandonner un infidèle qui suit les lumières de sa conscience, et cherche la vérité d’un cœur droit et docile. Né quelque temps avant l’invasion japonaise, il éprouva dès son jeune âge un désir extrême de parvenir au vrai bonheur, c’est-à-dire à un bonheur qui n’eût point de fin. Il se retira dans une solitude pour méditer plus à son aise sur cette félicité qu’il cherchait. Il n’avait pour habitation qu’une caverne, qu’il partageait avec un tigre qui l’occupait avant lui. Ce féroce animal respecta son hôte ; il lui céda même la caverne quelque temps après, et se retira ailleurs. Le jeune solitaire dans l’unique vue de conserver son innocence, s’exerçait à toutes sortes de mortifications ; il s’abstenait de tout ce qui n’était pas absolument nécessaire à la vie. Une nuit qu’il était en méditation, un homme d’aspect majestueux lui apparut, et lui dit : « Prends courage ; dans un an tu passeras la mer, et, après bien des travaux et des fatigues, tu obtiendras l’objet de tes désirs. » Cette même année, les Japonais entrèrent en Corée, et le jeune solitaire fut fait prisonnier. Le vaisseau qui le transportait au Japon ayant fait naufrage près de l’île Tsoutsima, Caïo se sauva à la côte ; ceux qui le conduisaient périrent probablement dans les flots. Quoi qu’il en soit, il recouvra sa liberté. Séduit par la vie austère des bonzes, il crut avoir trouvé ce qu’il cherchait depuis tant d’années, et se retira dans une des plus célèbres pagodes de Méaco. Mais il ne fut pas longtemps sans s’apercevoir de son erreur ; ces religieux idolâtres n’étaient rien moins que des hommes parfaits.

Cette méprise lui causa un si grand chagrin qu’il en tomba malade. Pendant sa maladie, il lui sembla voir la pagode tout en feu, puis un enfant d’une beauté ravissante lui apparut et le consola : « Ne crains pas, lui dit-il, tu es à la veille d’obtenir ce bonheur tant désiré. » Il n’était pas encore guéri, qu’il abandonna la bonzerie. Le jour même, il rencontra un chrétien à qui il