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guerre eurent donc, seuls de leurs compatriotes, l’opportunité de connaître la foi chrétienne, et nous avons vu que, grâce à Dieu, un grand nombre en profitèrent. Quelques années après l’expédition de Taïko-Sama, commençait, au Japon même, cette persécution si longue, si sanglante, si glorieuse qui semblait devoir y éteindre le christianisme, et on comprend facilement que les missionnaires de ce pays ne purent plus songer à la Corée, et ne firent aucune tentative pour y pénétrer.


Dans cette grande persécution, un certain nombre de néophytes coréens partagèrent avec leurs frères japonais l’honneur de confesser Jésus-Christ devant les bourreaux. Leur vie et leur martyre appartiennent à l’Église du Japon, mais, par leur naissance, ils sont les prémices de l’Église de Corée. C’est pourquoi nous reproduisons ici, dans l’ordre chronologique, ce que l’on sait de leurs noms et de leur histoire[1].

Michel, pauvre laboureur coréen, avait été baptisé à Nangasaki. Il était d’une charité singulière envers les lépreux, les attirait dans sa maison, les faisait asseoir à son foyer, les servait de ses mains en leur disant : « Vous êtes mes frères, et votre infirmité m’oblige à vous honorer davantage. » On le suspendit à une fourche, puis on lui comprima les jambes et on lui coupa les jarrets. Il expira dans ce supplice, le 22 novembre 1614. Après sa mort, on lui trancha la tête, et son corps fut haché en morceaux.

Le même jour fut aussi martyrisé Pierre Djincouro. Il avait été esclave chez les païens, depuis l’âge de treize ans jusqu’à celui de trente. Omis sur la liste des chrétiens dénoncés, parce qu’il n’était que locataire d’une boutique et n’avait pas de maison à lui, il fit de vives réclamations et obtint d’être inscrit avec eux. Il supporta courageusement les tortures, et comme il ne cessait d’invoquer le saint nom de Jésus, il eut les lèvres et la bouche fendues, fut percé d’un poignard, et enfin décapité. Il était âgé de trente-trois ans.

Le 18 novembre 1619, Cosme Takeya fut brûlé vif à Nangasaki. Trois ans plus tard, sa femme Inès, âgée de quarante-deux ans, subit à son tour le martyre. Elle eut la tête tranchée.

  1. Le P. Charlevoix, Hist. du Christianisme au Japon, passim. — M. Léon Pagès, Hist. du Japon. Tome III, passim. — Les noms de famille des martyrs coréens cités par ces auteurs sont des noms japonais, soit qu’on ait donné aux captifs de nouveaux noms, soit qu’on ait purement et simplement traduit en japonais leurs noms coréens.