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P. de Cespedes, pour la propagation de la foi chrétienne, cachaient une vaste conspiration contre le pouvoir de l’empereur. Averti à temps, Augustin renvoya immédiatement le prêtre au Japon, et y retourna lui-même peu après, pour se laver de l’accusation intentée contre lui. Il parvint aisément à se justifier, et l’affaire n’eut pas de suites fâcheuses.

La lettre annuelle de la mission du Japon, qui nous donne ces détails, raconte aussi que le prince de Tsoutsima envoya à sa femme Marie, fille d’Augustin, deux jeunes esclaves coréens, l’un fils d’un secrétaire du roi de Corée, et l’autre aussi d’une très-noble famille. La princesse touchée de leur infortune les donna à l’Église, envoya immédiatement le plus âgé au séminaire des PP. Jésuites, et garda l’autre chez elle jusqu’à ce qu’il pût y être envoyé à son tour[1].

Dans sa lettre de l’année suivante le P. Louis Froës parle encore des Coréens, « Cette année, dit-il, on a instruit beaucoup d’esclaves coréens, tant hommes que femmes et enfants, qui demeurent ici à Nangasaki, et dépassent, dit-on, le chiffre de trois cents. Il y a deux ans qu’ils ont été baptisés pour la plupart, et le plus grand nombre s’est confessé cette année. On voit clairement par l’expérience, que c’est un peuple très-disposé à recevoir notre sainte Foi ; ils sont très-affables, reçoivent le baptême avec allégresse, et sont heureux de se voir devenus chrétiens. Ils aiment à se confesser, et en très-peu de temps, le plus grand nombre a appris la langue japonaise avec tant de facilité, que presque aucun d’eux n’a besoin d’interprète pour le faire. Le vendredi saint, aussitôt que la nuit se fit, pendant qu’on apprêtait l’église dont les portes étaient fermées, et qu’on disposait les fonts baptismaux pour le lendemain, un Père et quelques Frères qui dirigeaient les préparatifs, entendirent un grand bruit du dehors, près de la porte de l’église. Ils ouvrirent une fenêtre et demandèrent ce que c’était. Quelques hommes, agenouillés avec une grande humilité, répondirent : « Père, ce sont les pauvres Coréens. Parce que nous sommes esclaves, nous n’étions pas prêts hier pour la procession, mais nous voici maintenant venus tous ensemble, pour demander à Dieu miséricorde et pardon pour nos péchés. » En disant cela ils se flagellaient cruellement, et tous ceux qui les entendirent et virent la rigueur de leur pénitence, en versaient des larmes. Cette nation unit un bon jugement à une grande

  1. Lettre annuelle du Japon pour 1595, du P. Louis Froës au P. C. Acquaviva. — Rome, 1598, — p. 32 et suivantes.