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absolu de tout le Japon, avait conçu le projet de conquérir la Chine. Pour se frayer un chemin, en l’an 1592, il fit envahir la Corée par une armée de deux cent mille hommes, qui battirent les Coréens et les Chinois venus à leur secours, s’emparèrent de cinq provinces sur huit, prirent la capitale, firent un immense carnage, et envoyèrent comme esclaves, au Japon, un nombre considérable de prisonniers.

La plupart de ces soldats japonais étaient chrétiens, car Taïko-Sama, qui avait secrètement résolu de faire disparaître du Japon la religion de Jésus-Christ, avait surtout employé pour cette expédition les princes et les seigneurs chrétiens. Il comptait, s’ils étaient vainqueurs, leur donner des apanages dans le pays conquis, et y transplanter de gré ou de force tous les chrétiens de son empire ; s’ils étaient vaincus, les abandonner sans secours et s’en débarrasser ainsi sans se donner l’odieux d’une persécution ouverte.

La guerre se prolongeant en Corée, les princes et les seigneurs chrétiens, et surtout Augustin Arimandono, roi de Fingo et grand amiral du Japon, le principal et le plus zélé d’entre eux, firent de vives instances auprès du supérieur de la mission du Japon pour obtenir un prêtre. Vers la fin de 1593, le vice-provincial de la Compagnie de Jésus leur envoya le P. Gregorio de Cespedes, et un frère japonais nommé Foucan Eion. Ce Père et son compagnon furent forcés d’hiverner dans l’île de Tsoutsima, dont le prince, néophyte zélé, servait lui-même en Corée. Ils y baptisèrent un grand nombre de païens, entre autres les quatre principaux conseillers de Tsoutsimandono. Enfin, au commencement de 1594, après une navigation assez longue et remplie de dangers, ils arrivèrent en Corée et gagnèrent la forteresse de Comangaï où résidait Augustin[1].

Pendant près d’un an, le P. de Cespedes exerça son ministère parmi les troupes japonaises avec un zèle infatigable. Il allait de forteresse en forteresse, luttant contre les désordres de toute nature, réformant les abus, raffermissant les chrétiens par l’administration des sacrements, et baptisant de nombreux soldats païens. Mais il fut soudain arrêté au milieu de ses travaux. Un général païen, jaloux de la haute fortune du prince Augustin, le dénonça à Taïko-Sama, prétendant que ses efforts et ceux du

  1. Lettre annuelle du Japon, de Mars 1593 à Mars 1594, écrite par le P. Pierre Gomez au P. Claude Acquaviva, général de la Compagnie de Jésus — Milan, 1597, — p. 112 et suivantes.