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gouvernement coréen maintient son isolement absolu. Les frontières de terre et de mer sont gardées, par un cordon de postes militaires, uniquement charges d’empêcher l’entrée des étrangers et la sortie des indigènes. Dans les plus importants de ces postes résident, comme inspecteurs et employés des douanes, des agents de police choisis parmi les plus fins et les plus expérimentés, et ils se font aider dans leur surveillance de jour et de nuit par des chiens dressés exprès, de sorte qu’il est à peu près impossible de passer la frontière inaperçu.

Par terre, il n’y a que deux chemins : celui de Tartarie par Houng-tchoung et Kieng-ouen, et celui de Chine par Pien-men et Ei-tsion. Ailleurs, la frontière qui sépare la presqu’île coréenne du continent, est formée de déserts montagneux et de forêts impraticables. Or on ne peut tenter le passage sur un de ces deux points qu’aux jours de foire légalement reconnus ; à toute autre époque, ce serait folie même pour les indigènes, à plus forte raison pour des étrangers. Il faut donc ou suivre les caravanes qui se rendent à la foire de Houng-tchoung, ou se joindre à l’ambassade coréenne qui revient de Chine. La grande difficulté, dans les deux cas, est la manière d’arranger les cheveux. Les Chinois se rasent la tête, ne gardant, au sommet, qu’une touffe de cheveux qui se tresse et s’allonge en queue sur le dos ; les Coréens conservent tous leurs cheveux. Si l’on se rase à la chinoise, on sera reconnu et arrêté en entrant en Corée ; si l’on suit la mode coréenne, on sera reconnu en Chine même, avant d’arriver sur la frontière. Pendant la foire de Kieng-ouen, il est défendu aux Chinois d’entrer dans les maisons coréennes, et de nombreux satellites sont distribués à la porte de la ville et dans les rues pour faire observer cette consigne. Le missionnaire qui prendrait cette voie, même en supposant qu’il n’ait pas été découvert par ses compagnons de route, soit en chemin, soit pendant les quelques jours d’attente qui précèdent la foire, devrait s’aboucher avec les courriers coréens et changer d’accoutrement en plein air, au milieu de milliers de personnes, sans être aperçu d’aucune, ce qui est manifestement impossible. D’ailleurs, une fois entré, il lui faudrait, avant de rencontrer des villages chrétiens, faire une route d’un mois, dans un pays peu fréquenté, et où, par conséquent, les voyageurs sont rares et facilement reconnus. Les courriers qui lui serviraient de guides auraient à repasser, dans les quelques auberges de la route, avec une personne de plus qu’en allant ; cela seul éveillerait immédiatement des soupçons, que la différence de visage et de prononciation changerait bientôt en certitude.