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Lorsque la reine mère, la reine, et surtout le roi atteignent la soixantaine, le royaume entier doit prendre part à la fête. Toutes les prisons s’ouvrent par la proclamation d’une amnistie générale, et il y a une session extraordinaire d’examens pour conférer les grades littéraires. Tous les dignitaires de la capitale vont en personne présenter au roi leurs hommages et leurs vœux. Dans chaque district, le mandarin précédé de la musique, escorté de ses prétoriens et satellites, suivi de toute la population, se rend au chef-lieu, à l’endroit où est exposée en grand apparat la tablette qui représente le roi, et se prosterne humblement pour lui offrir ses congratulations personnelles, et celles de ses subordonnés. Ce jour est, pour tous, une fête chômée de premier ordre. Tous les soldats de la capitale reçoivent quelque marque de la munificence royale. Des tables richement servies, des cadeaux de prix, sont envoyés aux ministres, aux fonctionnaires du palais, aux grandes familles nobles, à tous ceux qui ont quelque crédit à la cour.

Malheureusement pour le peuple, ces grandes fêtes se donnent à ses dépens. Le plus souvent, c’est au moyen de rapines, de concussions, d’extorsions de toute espèce, que les parents du roi, les ministres et autres grands personnages se procurent les ressources nécessaires. Un de ces Hoan-kap a été, sous ce rapport, scandaleux entre tous : c’est celui de Kim Moun-keun-i, beau-père du roi Tchiel-tsong, célébré à la fin de 1861. Dès les premiers jours de l’automne, toutes les productions rares des provinces affluèrent à sa maison. On y expédia des centaines de bœufs, des milliers de faisans, des fruits en quantité énorme. Les mandarins, tant pour obéir à l’usage que pour s’attirer les bonnes grâces d’un homme aussi influent, luttaient à qui ferait les plus riches offrandes, en argent et en produits de leurs districts ou préfectures. Le gouverneur de la province de Tsiong-tsieng fut destitué, quelques jours après la fête, pour n’avoir envoyé que la misérable somme de mille nhiangs (environ deux mille francs), tandis que les autres, plus généreux, avaient expédié huit, dix, quelques-uns même vingt mille francs. M. Pourthié raconte qu’un vieux mandarin de sa connaissance, criblé de dettes et sans le sou, ne put absolument rien envoyer. Kim Moun-keun-i voulait le punir sévèrement. « Ne touchez pas à cet homme, lui dirent les ministres ; pour avoir osé vous insulter ainsi, il faut certainement qu’il soit bien déterminé, et qu’il ait des moyens secrets de braver votre colère ; il est plus prudent de le laisser tranquille. » Le pauvre mandarin conserva sa place. Les gens du peuple, même