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des bouchers à eux. C’est un abus que l’on tolère faute de pouvoir l’empêcher. Quelquefois aussi, dans les circonstances extraordinaires, le roi permet d’abattre un bœuf dans chaque village, et alors c’est une fête universelle, et son nom est béni d’un bout à l’autre du royaume.

Un excès en appelle un autre, et l’abus de la nourriture amène naturellement l’abus de la boisson. Aussi l’ivrognerie est-elle en grand honneur dans ce pays, et si un homme boit du vin de riz de manière à perdre la raison, personne ne lui en fait un crime. Un mandarin, un grand dignitaire, un ministre même, peut, sans que cela tire à conséquence, rouler sur le plancher à la fin de son repas. On le laisse cuver son vin tranquillement, et les assistants loin d’être scandalisés de ce dégoûtant spectacle, le félicitent intérieurement d’être assez riche pour pouvoir se procurer un aussi grand plaisir.

Quant à la préparation de la nourriture, les Coréens ne sont nullement difficiles ; tout leur est bon. Le poisson cru, la viande crue, surtout les intestins, passent pour des mets friands, et parmi le peuple, on n’en voit guère sur les tables, car un pareil morceau à peine aperçu est aussitôt dévoré. Les viandes crues se mangent habituellement avec du piment, du poivre ou de la moutarde, mais souvent on se passe de tout assaisonnement. Sur le bord des ruisseaux ou rivières, on rencontre quantité de pêcheurs à la ligne, dont le plus grand nombre sont des nobles sans le sou qui ne veulent pas ou ne peuvent pas travailler pour vivre. À côté d’eux est un petit vase contenant de la poudre de piment délayée, et aussitôt qu’un poisson est pris, ils le saisissent entre deux doigts, le trempent dans cette sauce et l’avalent sans autre cérémonie. Les arêtes ne les effrayent point ; ils les mangent avec le reste, comme ils mangent aussi les os de poulets ou d’autres volatiles afin de ne rien laisser perdre.

Quelques mots, en finissant ce chapitre, sur les différences de caractère entre les habitants des diverses provinces. Ceux des deux provinces du Nord, du Pieng-an particulièrement, sont plus forts, plus sauvages, et plus violents que les autres Coréens. Il y a très-peu de nobles parmi eux, et par suite très-peu de dignitaires. On croit qu’ils sont les ennemis secrets de la dynastie ; aussi le gouvernement, tout en les ménageant, les surveille de près, et redoute toujours de leur part une insurrection qu’il serait très-difficile de vaincre. Les gens du Hoang-haï passent pour avoir l’esprit étroit et borné. On les accuse de beaucoup d’avarice et de mauvaise foi. La population du Kieng-keï, ou province de