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routes, dans les auberges. Quand ils sont deux ou trois ensemble, la conversation s’engage immédiatement et ne languit jamais. Ils se font les questions les plus indiscrètes, sur leur nom, leur âge, leur demeure, leurs occupations, leur commerce, les dernières nouvelles qu’ils ont pu apprendre, etc. Un Coréen ne peut rien garder de ce qu’il sait ; c’est chez lui une démangeaison incroyable d’apprendre toutes les nouvelles, même les plus insignifiantes, et de les communiquer immédiatement à d’autres, ornées de toutes les exagérations et de tous les mensonges possibles.

En Corée on parle toujours sur un ton très-élevé, et les réunions sont extraordinairement bruyantes. Crier le plus haut possible, c’est faire preuve de bonnes manières, et celui qui, dans une société, parlerait sur un ton ordinaire, serait mal vu des autres, et passerait pour un original qui cherche à se singulariser. Le goût du tapage est inné en eux, et rien à leur sens ne peut être fait convenablement sans beaucoup de vacarme. L’étude des lettres consiste à répéter à gorge déployée, chaque jour, pendant des heures entières, une ou deux pages d’un livre. Les ouvriers, les laboureurs, se délassent de leurs fatigues en luttant à qui criera le plus fort. Chaque village possède une caisse, des cornes, des flûtes, quelques couvercles de chaudrons en guise de cymbales, et souvent pendant les rudes travaux de l’été, on s’interrompt quelques instants, et l’on se délasse par un concert à tour de bras. Dans les préfectures et les tribunaux, les ordres des mandarins sont répétés d’abord par un crieur, puis par beaucoup d’autres échelonnés à tous les coins, de manière à retentir dans les quartiers environnants. Si un fonctionnaire public sort de sa maison, les cris perçants d’une multitude de valets annoncent sa marche. Dans les rares circonstances où le roi se montre en public, une foule de gens sont postés de distance en distance pour pousser les plus formidables clameurs, et ils se partagent la besogne alternativement, de manière à ne pas laisser une seconde de silence. La moindre interruption, en pareil cas, serait un manque de respect envers la majesté royale.

Les Coréens des deux sexes sont naturellement très-passionnés ; mais l’amour véritable ne se trouve guère en ce pays, car la passion chez eux est purement physique, le cœur n’y est pour rien. Ils ne connaissent que l’appétit animal, l’instinct de la brute qui, pour se satisfaire, se rue à l’aveugle sur le premier objet à sa portée ; aussi la corruption des mœurs dépasse tout ce qu’on peut imaginer. Elle est telle, que l’on peut affirmer hardi-