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faible lueur ; il souffle et parvient à enflammer une allumette. « Victoire ! s’écrie-t-il en rentrant dans le salon, les destins de ma race ne sont pas encore terminés ; j’ai recouvré ce feu que mes ancêtres se sont fidèlement transmis depuis dix générations, et je pourrai à mon tour le léguer à mes descendants. »

Nous avons dit plus haut combien la petite vérole est terrible en Corée. Quand on s’attend à la voir arriver dans un village, hommes et femmes se baignent la tête à grande eau avec des vases neufs, et répètent très-souvent ces ablutions, afin de se préparer à recevoir convenablement la visite de cette illustre dame. Si l’on peut avoir de l’eau de mer en pareil cas, elle est beaucoup plus efficace que l’eau douce. En même temps, on dispose sous le vestibule ou auprès de la porte de chaque maison, une table chargée de fruits. Lorsque la maladie s’est déclarée dans une maison, on y place un petit drapeau, ou bien on bariole la porte avec de la terre jaune, pour empêcher les étrangers de venir par leur présence troubler ou contrarier la terrible hôtesse. On s’efforce de la bien traiter pour obtenir ses bonnes grâces, on se prosterne, on prie, on chante, on multiplie les sacrifices en son honneur, on fait des gâteaux de riz pour régaler en son nom tous les voisins, et si le riz a été mendié de porte en porte, l’œuvre est bien plus méritoire. On fait venir les mou-tang ou sorciers avec tous leurs appareils superstitieux, et l’on finit, chacun selon sa fortune, par une grande cérémonie pour éconduire la dame avec toute la pompe voulue. Tous sont convaincus que, pendant la maladie, les enfants attaqués sont en communication avec les génies, qu’ils ont le don de seconde vue, et qu’ils aperçoivent à travers les murailles ce qui se passe même à de grandes distances. Il y a quelques années, pendant qu’un enfant de douze à treize ans était couché malade dans une maison, un noble du village entra sans y faire attention dans la cour attenante, le bonnet de crin sur la tête. L’enfant, qui lui gardait rancune pour quelques coups de bâton qu’il en avait reçus, le vit venir et s’écria ; « Ce noble qui vient ici avec son bonnet, irrite la dame, redouble mes souffrances et va être cause de ma mort. Il faut le battre sur le derrière pour apaiser la fureur de la dame. » Le noble, effrayé, reconnut son tort, et pour détourner les malheurs dont le menaçait cette colère redoutable, consentit à recevoir, séance tenante, la bastonnade expiatrice.

Ces superstitions et une foule d’autres, qu’il serait trop long d’énumérer en détail, sont très-répandues dans le pays. Quelques hommes de la classe instruite les méprisent et n’y ont aucune