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déshonoré au point de ne plus oser se montrer à qui que ce soit. On commence par placer le corps du mort dans un cercueil de bois très-épais, que l’on conserve plusieurs mois dans un appartement spécial, préparé et orné à cet effet. Les gens du peuple qui n’ont pas le moyen d’avoir une chambre pour le cadavre, gardent le cercueil en dehors de leur maison, et le recouvrent de nattes en paille pour le protéger contre la pluie. C’est dans l’appartement du mort que l’on doit aller pleurer au moins quatre fois le jour, et pour y pénétrer, on fait une toilette spéciale. Elle consiste en une grande redingote de toile grise, déchirée, rapiécetée, et aussi sale que possible. On se ceint les reins d’une corde de la grosseur du poignet, partie en paille et partie en fil. Une autre corde semblable, grosse comme le pouce, fait le tour de la tête qui est couverte d’un bonnet de toile grise. Les deux bouts de cette corde retombent par devant sur chaque joue. Des bas et des souliers spéciaux, et, à la main, un gros bâton noueux complètent le costume.

Dans cet accoutrement on se rend à la chambre mortuaire, le matin en se levant, puis avant chaque repas. On apporte une petite table chargée de divers mets que l’on place sur un autel, à côté du cercueil ; puis la personne qui préside la cérémonie, courbée et appuyée sur son bâton, entonne les gémissements funèbres. Pour un père ou une mère ces gémissements se composent des syllabes : ai-kô, que l’on répète sans interruption, d’un ton lugubre, pendant un quart d’heure ou une demi-heure. Pour les autres parents, on chante : ôï, ôï. Plus la voix qui se lamente est forte, plus la séance est longue, et plus l’individu en deuil monte dans l’estime publique. Les gémissements terminés, on se retire, on emporte les mets, on quitte les habits de deuil, et on prend son repas. À la nouvelle et à la pleine lune, tous les parents, amis et connaissances sont invités à prendre part à la cérémonie. Ces pratiques se continuent même après l’enterrement, pendant deux ou trois ans, et, dans cet intervalle, un noble qui se respecte doit aller souvent pleurer et gémir sur le tombeau de ses parents. Quelquefois il y passe toute la journée et même la nuit. On en cite qui ont fait bâtir une petite maison près de ces tombeaux, pour y demeurer pendant plusieurs années, et qui par là ont acquis une haute renommée de sainteté, et la vénération universelle.