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père ; souvent il lui apporte son repas, le sert à table et prépare sa couche. Il doit le saluer respectueusement en sortant de la maison, et en y rentrant. Si le père est vieux ou malade, le fils ne le quitte presque pas un instant, et couche non loin de lui afin de subvenir à tous ses besoins. Si le père est en prison, le fils va s’établir dans le voisinage afin de correspondre facilement avec lui, et de lui faire parvenir quelques soulagements ; et quand cette prison est celle du Keum-pou[1] le fils doit rester agenouillé devant la porte, à un endroit désigné, et attendre ainsi jour et nuit que le sort de son père soit décidé. Quand un coupable est envoyé en exil, son fils est tenu de l’accompagner au moins pendant tout le trajet, et si l’état de la famille le permet, il s’établit lui-même dans le lieu où son père subit la condamnation. Un fils qui rencontre son père sur la route, doit lui faire de suite la grande génuflexion et se prosterner dans la poussière ou dans la boue. En lui écrivant, il doit se servir des formules les plus honorifiques que connaisse la langue coréenne. Les mandarins obtiennent fréquemment des congés plus ou moins longs afin d’aller saluer leurs parents, et si, pendant qu’ils sont en charge, ils viennent à perdre leur père ou leur mère, ils doivent donner de suite leur démission pour s’occuper uniquement de rendre au défunt les derniers devoirs, et ne peuvent exercer aucune fonction tant que dure le deuil légal. Nulle vertu, en Corée, n’est estimée et honorée autant que la piété filiale, nulle n’est enseignée avec plus de soin, nulle n’est plus magnifiquement récompensée, par des exemptions d’impôts, par l’érection de colonnes monumentales, ou même de temples, par des dignités et des emplois publics ; aussi les exemples extraordinaires de cette vertu sont-ils assez fréquents, surtout de la part d’un fils ou d’une fille envers son père. Ils se rencontrent plus rarement de la part des enfants envers leur mère, et cela à cause des préjugés d’éducation dont nous avons parlé.

L’adoption des enfants est très-commune en Corée. Celui qui n’a pas de fils nés de lui, doit en choisir dans sa parenté, et la grande raison de cet usage se trouve dans les croyances religieuses du pays. En effet, ce sont les descendants qui doivent rendre aux ancêtres le culte habituel, garder leurs tablettes, observer les nombreuses cérémonies des funérailles et du deuil, offrir les sacrifices, etc… La conservation de la famille n’est qu’une fin

  1. Voir plus haut, p. lviii.