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jours après, les fêtes étant terminées, il retourna au palais. Le roi lui demanda familièrement si tout s’était passé aussi heureusement que possible ; le ministre raconta en détail l’histoire de son mariage, l’arrivée inopinée de sa femme et la manière dont elle avait su se conduire. Le roi, qui était un homme de sens, lui répondit : « Vous avez fort mal agi envers votre épouse. Elle me paraît une femme de beaucoup d’esprit et d’un tact extraordinaire ; sa conduite est admirable, et je ne saurais assez la louer. J’espère que vous réparerez les torts que vous avez eus envers elle. » Le ministre le promit, et quelques jours plus tard, le prince conféra solennellement à la dame une des plus hautes dignités de la cour.

La femme épousée légitimement, à moins qu’elle ne soit une veuve ou une esclave, entre en tout et pour tout en participation de l’étal social de son mari. Quand même elle ne serait pas noble de naissance, elle le devient si elle épouse un noble, et ses enfants le sont aussi. Si deux frères par exemple, épousent la tante et la nièce, et que la nièce tombe en partage à l’aîné, elle devient par le fait la sœur aînée, et la tante sera traitée comme la sœur cadette, ce qui dans ce pays fait une énorme différence.

Dans toutes les classes de la société, la principale occupation des femmes est d’élever, ou plutôt de nourrir leurs enfants. La mère se dispense rarement de ce devoir, plus sacré encore en ce pays, où l’on n’a aucune idée de l’allaitement artificiel, et où par conséquent les enfants qui perdent leur mère dans les premières années meurent presque tous. Les Coréens ne savent pas traire les animaux, et n’usent jamais de lait de vache ou de chèvre. La seule exception est en faveur du roi qui en prend quelquefois. Dans ce cas, on s’en procure à l’aide d’une opération très-compliquée. On couche la vache sur le flanc, en présence de toute la cour, puis avec des planchettes ou bâtons on presse les mamelles, et le lait, que les opérateurs en font découler à la sueur de leurs fronts, est précieusement recueilli pour l’usage de Sa Majesté.

Quand il n’y a pas d’autres enfants plus jeunes, la mère allaite son nourrisson jusqu’à l’âge de sept ou huit ans, quelquefois même jusqu’à dix ou douze ans. Cette coutume dégoûtante semble si naturelle en ce pays que la chose se fait publiquement, et l’on voit des enfants presque aussi grands que leurs mères prendre le sein, sans que personne songe à se scandaliser. L’éducation du reste exige peu de soins. Elle consiste habituellement à faire toutes les volontés de l’enfant, surtout si c’est un fils, à se