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Il en est de même pour les parents des reines. La première femme du roi est toujours choisie dans quelque grande famille, et par le fait de son mariage avec le souverain, son père et ses frères obtiennent de hautes dignités, quelquefois même des emplois lucratifs, mais presque jamais de fonctions qui leur donnent une autorité réelle. Ce n’est que par des voies indirectes, par l’influence des reines, par toutes sortes d’intrigues, ou bien en temps de minorité de l’héritier du trône, qu’ils exercent une influence plus ou moins puissante.

La noblesse se perd de diverses manières, par jugement, par mésalliance, par prescription. Quand un noble quelconque est exécuté comme coupable de rébellion ou de lèse-majesté, ses parents, ses enfants, et les membres de sa famille à un degré assez éloigné, sont tous dégradés, privés de leurs emplois et de leurs titres de noblesse, et relégués au rang des gens du peuple. Quand un noble épouse en légitime mariage une veuve ou une esclave, ses descendants perdent à peu près tous les privilèges de leur caste, et l’accès des emplois leur est fermé. De même, quand une famille noble a été exclue de toute espèce d’emplois publics pendant un temps considérable, ses titres sont par le fait même annulés, et les tribunaux lui refusent les privilèges de son rang.

L’aristocratie coréenne est relativement la plus puissante et la plus orgueilleuse de l’univers. Dans d’autres pays, le souverain, la magistrature, les corporations diverses, sont des forces qui maintiennent la noblesse dans ses limites, et contrebalancent son pouvoir. En Corée, les nobles sont si nombreux, et malgré leurs querelles intestines, savent si bien s’unir pour conserver et augmenter les privilèges de leur caste, que ni le peuple, ni les mandarins, ni le roi lui-même ne peuvent lutter contre leur autorité. Un noble de haut rang, soutenu par un certain nombre de familles puissantes, peut faire casser les ministres, et braver le roi dans son palais. Le gouverneur ou mandarin qui s’aviserait de punir un noble haut placé et bien protégé, serait infailliblement destitué.

Le noble coréen agit partout en maître et en tyran. Qu’un grand seigneur n’ait pas d’argent, il envoie ses valets saisir un marchand ou un laboureur. Si celui-ci s’exécute de bonne grâce, on le relâche ; sinon il est conduit dans la maison du noble, emprisonné, privé d’aliments, et battu jusqu’à ce qu’il ait payé la somme qu’on lui demande. Les plus honnêtes de ces nobles déguisent leurs vols sous forme d’emprunts plus ou moins volontaires, mais personne ne s’y trompe, car ils ne rendent jamais