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relles constitutives de l’ordre évidemment le plus avantageux possible aux hommes réunis en société : on pourrait dire tout simplement le plus avantageux possible au souverain ; car ce qui est réellement le plus avantageux au souverain, est le plus avantageux aux sujets. Il n’y a que la connaissance de ces lois suprêmes qui puisse assurer constamment la tranquillité et la prospérité d’un empire ; et plus une nation s’appliquera à cette science, plus l’ordre naturel dominera chez elle, et plus l’ordre positif y sera régulier ; on ne proposerait pas, chez une telle nation, une loi déraisonnable, car le gouvernement et les citoyens en apercevraient aussitôt l’absurdité.

Le fondement de la société est la subsistance des hommes, et les richesses nécessaires à la force qui doit les défendre ; ainsi il n’y aurait que l’ignorance qui pût, par exemple, favoriser l’introduction de lois positives contraires à l’ordre de la reproduction et de la distribution régulière et annuelle des richesses du territoire d’un royaume. Si le flambeau de la raison y éclaire le gouvernement, toutes les lois positives nuisibles à la société et au souverain, disparaîtront.

Il s’agit ici de la raison exercée, étendue et perfectionnée par l’étude des lois naturelles. Car la simple raison n’élève pas l’homme au-dessus de la bête ; elle n’est dans son principe qu’une faculté ou une aptitude, par laquelle l’homme peut acquérir les connaissances qui lui sont nécessaires, et par laquelle il peut, avec ces connaissances, se procurer les biens physiques et les biens moraux essentiels à la nature de son être. La raison est à l’âme ce que les yeux sont au corps : sans les yeux, l’homme ne peut jouir de la lumière, et sans la lumière il ne peut rien voir.

La raison seule ne suffit donc pas à l’homme pour se conduire ; il faut qu’il acquière par sa raison les connaissances qui lui sont nécessaires, et que par sa raison il se serve de ces connaissances pour se conduire dignement, et pour se procurer Les biens dont il a besoin. L’ignorance est l’attribut primitif de l’homme brut et isolé : dans la société, elle est la plus funeste infirmité des hommes ; elle y est même un crime, parce que les hommes, étant doués d’intelligence doivent s’élever à un ordre supérieur à l’état des brutes ; elle y est un crime énorme par son délit, car l’ignorance est la cause la plus générale des malheurs du genre humain et de son indignité envers l’auteur de la nature, envers la lumière éternelle, la suprême raison et la cause première de tout bien.

Mais la raison éclairée, conduite, et parvenue au point de connaître avec évidence la marche des Lois naturelles, devient la règle nécessaire du meilleur gouvernement possible, où l’observation de ces lois souveraines multiplierait abondamment les richesses nécessaires à la subsis-