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narchique, les autres par une autorité aristocratique, d’autres par une autorité démocratique, etc. Mais ce ne sont pas ces différentes formes d’autorités qui déci dent de l’essence du droit naturel des hommes réunis en société, car les lois varient beaucoup sous chacune de ces formes. Les lois des gouvernements, qui décident du droit des sujets, se réduisent presque toujours à des lois positives ou d’institution humaine ; or ces lois ne sont pas le fondement essentiel et immuable du droit naturel ; et elles varient tellement, qu’il ne serait pas possible d’examiner l’état du droit naturel des hommes sous ces lois. Il est même inutile de tenter d’entrer dans cet examen, car là où les lois et la puissance tutélaire n’assurent point la propriété et la liberté, il n’y a ni gouvernement, ni société profitables ; il n’y a que domination et anarchie sous les apparences d’un gouvernement ; les lois positives et la domination y protègent et assurent les usurpations des forts, et anéantissent la propriété et la liberté des faibles. L’état de pure nature est alors plus avantageux que cet état violent de société, qui passe par toutes les vicissitudes de dérèglements, de formes, d’autorités et de souverains. Ce qui paraît même si inévitable que les hommes qui se livrent à la contemplation de tous ces changements, se persuadent intimement qu’il est dans l’ordre de la fatalité des gouvernements d’avoir leurs commencements, leurs progrès, leur plus haut degré de puissance, leur déclin et leur fin. Mais ils ont dû remarquer aussi que cet ordre est bien irrégulier, que les passages y sont plus ou moins rapides, plus ou moins uniformes, plus ou moins inégaux, plus ou moins compliqués d’événements imprévus, favorables ou désastreux, plus ou moins dirigés ou fortuits, plus ou moins attribués à la prudence ou aux méprises, aux lumières ou à l’ignorance, à la sagesse ou aux passions effrénées de ceux qui gouvernent ; ainsi ils auraient dû en conclure au moins que le fatalisme des mauvais gouvernements n’est pas une dépendance de l’ordre naturel et immuable, l’archétype des gouvernements.

Pour connaître l’ordre des temps et des lieux, pour régler la navigation et assurer le commerce, il a fallu observer et calculer avec précision les lois du mouvement des corps célestes : il faut de même, pour connaître l’étendue du droit naturel des hommes réunis en société, se fixer au lois naturelles constitutives du meilleur gouvernement possible. Ce gouvernement auquel les hommes doivent être assujettis consiste dans l’ordre naturel et dans l’ordre positif, les plus avantageux aux hommes réunis en société.

Les hommes réunis en société doivent donc être assujettis à des lois naturelles et à des lois positives.

Les lois naturelles sont ou physiques ou morales.

On entend ici, par loi physique, le cours réglé de tout événement phy-