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une règle naturelle et souveraine, reconnue par les lumières de la raison qui détermine évidemment ce qui appartient à soi-même, ou à un autre.

Si le père et la mère de l’enfant meurent, et que l’enfant se trouve, sans autre ressource, abandonné inévitablement à son impuissance, il est privé de l’usage de son droit naturel, et ce droit devient nul. Car un attribut relatif est nul quand son corrélatif manque. L’usage des yeux est nul dans un lieu inaccessible à la lumière.




CHAPITRE II. — de l’étendue du droit naturel des hommes.


Le droit naturel des hommes diffère du droit légitime, ou du droit décerné par les lois humaines, en ce qu’il est reconnu avec évidence par les lumières de la raison, et que par cette évidence seule, il est obligatoire indépendamment d’aucune contrainte ; au lieu que le droit légitime, limité par une loi positive, est obligatoire en raison de la peine attachée à la transgression par la sanction de cette loi, quand même nous ne la connaîtrions que par la simple indication énoncée dans la loi

Par ces différentes conditions, on voit toute l’étendue du droit naturel, et ce qui le distingue du droit légitime.

Souvent le droit légitime restreint le droit naturel, parce que les lois des hommes ne sont pas aussi parfaites que les lois de l’auteur de la nature, et parce que les lois humaines sont quelquefois surprises par des motifs dont la raison éclairée ne reconnais pas toujours la justice ; ce qui oblige ensuite la sagesse des législateurs d’abroger des lois qu’ils ont faites eux-mêmes. La multitude des lois contradictoires et absurdes établies successivement chez les nations, prouve manifestement que les lois positives sont sujettes à s’écarter souvent des règles immuables de la justice, et de l’ordre naturel le plus avantageux à la société.

Quelques philosophes absorbés dans l’idée abstraite du droit naturel des hommes, qui laisse à tous un droit à tout, ont borné le droit naturel de l’homme à l’état de pure indépendance des hommes les uns envers les autres, et à l’état de guerre entre eux pour s’emparer les uns et les autres de leur droit illimité. Ainsi, prétendent ces philosophes, lorsqu’un homme est privé par convention, ou par une autorité légitime, de quelques par-