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un ordre exprès du chancelier d’Aguesseau ruina l’appui que le célèbre médecin avait trouvé, pendant près d’un an, dans le censeur royal, pour entraver l’impression de la réponse faite à son livre. Enfin on le vit, lorsque cette réponse parut, obligé de se taire, après avoir annoncé une réplique foudroyante. Il avait invoqué le secours des plus illustres membres de l’Académie des sciences, qui l’avaient aidé, même, dans les calculs d’hydrostatique servant de base à la doctrine de son livre. Mais, après plusieurs conférences tenues chez lui, et où la critique de Quesnay fut soumise à l’examen le plus rigoureux, tous tombèrent d’accord qu’elle n’était pas susceptible de réfutation.

Plus tard, Quesnay se lia avec La Peyronie, premier chirurgien du roi, qu’il rencontrait souvent chez le maréchal de Noailles. La Peyronie, passionné pour son art dont il avait reculé les bornes, voyait avec douleur qu’à cette époque il fût presque complètement séparé de l’exercice de la médecine, et confié à des mains dont la plupart n’étaient dignes que d’être armées de la lancette on du rasoir. Pour remédier à cette honteuse dégradation, cet homme célèbre avait sollicité, et obtenu en 1731, l’établissement d’une académie de chirurgie. Mais il lui fallait, pour appuyer cette institution sur des bases durables, des coopérateurs d’autant plus habiles, que la Faculté, par une rivalité de corps qui ne fait pas l’éloge de l’esprit ou du cœur humain, était animée de sentiments fort hostiles contre ses projets. Il vit dans Quesnay une conquête précieuse pour son académie, et l’y attacha, en 1737, en qualité de secrétaire perpétuel.

Il y avait eu, pour arriver à ce résultat, deux obstacles a surmonter. Le premier, et le plus difficile, était la répugnance que Quesnay éprouvait à se transporter dans la capitale. Entouré de l’estime générale à Mantes, il y vivait heureux, dénué d’ambition, et en véritable philosophe. Il ne se souciait donc nullement d’échanger cette paisible retraite contre les ennuis du monde et le tumulte d’une grande ville. Il céda, toutefois, aux considérations d’intérêt public exposées avec chaleur par son illustre confrère, et vint s’établir chez le duc de Villeroy, qui le reçut comme son médecin, et le traita comme son ami. Peu de temps après, ce seigneur le pourvut d’une place de commissaire des guerres à Lyon, dont il avait droit de disposer en qualité de gouverneur de cette ville.