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Si donc les riches entendaient leurs intérêts, ils déchargeraient entièrement les misérables de leurs impôts, ce qui en formerait sur-le-champ autant de gens opulents ; et ce qui ne se pouvant sans un grand surcroît de consommation, laquelle se répand sur toute la masse d'un État, cette démarche dédommagerait au triple les riches de leurs premières avances, étant la même chose qu'un maître qui prête du grain à son fermier pour ensemencer sa terre, sans quoi il en perdrait la récolte ; et la pratique du contraire par le passé coûte de compte fait à ces puissances six fois ce qu'ils ont prétendu gagner, en renvoyant tous les impôts sur les misérables.

Ainsi l'on voit, par tout ce Mémoire, de quelle force on donne le change au prince, lorsqu'on lui fait concevoir que son intérêt consiste à entretenir des médiateurs entre son peuple et lui pour le payement des impôts, qui mettent tout dans l'alambic pour former ces précis criminels ; mais comme c'est par une des plus hautes violences que la nature ait jamais reçues, le remède est d'autant plus aisé dans les contrées où ce déconcertement se rencontre, qu'il n'est pas question, encore une fois, d'agir pour procurer une très-grande richesse, mais de cesser seulement d'agir, ce qui absolument n'exige qu'un instant.

Et aussitôt cette même nature mise en liberté, rentrant dans tous ses droits, rétablira le commerce et la proportion de prix entre toutes les denrées, ce qui leur faisant s'entre-donner naissance et s'entre-soutenir continuellement par une vicissitude perpétuelle, il s'en formera une masse générale d'opulence, où chacun puisera à proportion de son travail ou de son domaine, et ce qui allant toujours en augmentant, jusqu'à ce que la terre d'où partent toutes ces sources ne puisse plus fournir, on peut supposer quelle abondance de richesses on verrait si toutes choses, tant le terroir que le reste, étaient autant en valeur qu'il serait possible à la nature de les y mettre, puisqu'il n'y a point de contrée si inculte et si stérile qu'on le suppose qu'il ne soit aisé de rendre très-abondante, si le prix des fruits que l'on y recueillerait ne manquait point de garantie par rapport aux frais qu'il aurait fallu faire pour y parvenir. Et cela n'arriverait même jamais si une infinité d'hommes qui, par indigence, ne consomment presque rien, soit dans leur nourriture, soit dans leurs habitsétaient mis en