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genre humain, s'adresse enfin au Trône et, ne lui fait pas plus de quartier qu'à tout le reste, en lui refusant une partie des besoins dont il met tous les jours une quantité effroyable en poudre, étant même impossible que les choses soient autrement.

Et le cruel est que, comme l'ignorance a fait admettre et souffrir sa tyrannie, elle redouble ses efforts pour empêcher toute sorte de fin à ces désordres, et fait chercher dans le redoublement du mal le remède des maux qu'il a causés.

Cet argent criminel, ou plutôt ses fauteurs, ont la hardiesse et l'effronterie d'alléguer, lorsque la désolation publique est dans son dernier période, qui est leur unique ouvrage, que c'est qu'il n'y a plus d'espèces, et qu'elles ont passé dans les pays étrangers.

Mais c'est justement le contraire, et il y en a trop si l'on n'en corrompait pas l'usage par les manières décrites dans ce Mémoire ; lequel étant rétabli, comme cela se peut, en un moment, on ne verra rien d'approchant de ce qui paraît aujourd'hui. Si quelques particuliers ne sont pas si magnifiques, tout le reste ne sera pas si misérable ; et par une juste compensation, on sera vingt fois plus riche en général, et par conséquent le prince, que l'on ne l'est dans la situation opposée qui subsiste, et que l'on combat.

De croire que le remède du mal puisse jamais naître des auteurs mêmes, c'est s'abuser grossièrement. La corruption du cœur ne permettra jamais que l'on balance dans le choix entre une misère innocente et une opulence criminelle, surtout lorsque l'une et l'autre se trouvent en compromis en un si haut degré, et que ce genre de richesse est bien éloigné de craindre aucune persécution de la part des personnes qui soient à appréhender. La présence est donnée au dernier tous les jours à moindre prix ; ainsi l'on peut supposer ce qu'on en peut attendre en pareille occasion.

La perfection et le comble sont les raisons et les discours qui se répandent lorsqu'il est question de parler du remède ; on ne touche de rien moins que d'un renversement entier d'État, quand on parle de voir s'il n'y aurait pas moyen de faire cesser le plus grand bouleversement qui fut jamais.

Et l'on n'a point honte de soutenir, par un redoublement d'outrage à la raison, que l'on ne peut discontinuer de laisser les terres du milieu d'un royaume en friche, et les fruits excrus au néant, pendant que les peuples voisins en manquent tout à fait, jusqu'à ce qu'une guerre étrangère, qui se passe à deux cents lieues de ces contrées, soit finie ; bien qu'au contraire son sort, bon ou mauvais, dépende absolument des mesures justes ou mal concertées qu'on prend au dedans d'un État : or, il est aisé de juger sur ce compte quel succès on peut attendre des dispositions telles qu'on les vient de décrire, quand par malheur elles se rencontrent, et que les ennemis en prennent de toutes contraires, qui sont celles de toutes les nations du monde.

Outre que toutes les choses que l'on anéantit sont seules le soutien de la guerre, et qu'elles y ont constamment la principale part par une ample fourniture aux décisions de la fortune, la parfaite connaissance que des ennemis peuvent avoir que cette unique ressource des armées sera plus ou moins de durée chez les nations opposées, par rapport à la situation où ils se trouvent à l'égard de ces mêmes provisions, est uniquement ce qui les porte à entendre à la paix, qui doit être l'objet de toutes les guerres, quelque saintes et quelque justes qu'elles soient.