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LE VERGER

Les forbans, qu’ils soient internationaux ou nationaux, croyez-vous qu’il vaille la peine de parlotter avec eux ? Ils ne lisent pas les brochures de la Ligue de Tempérance ! Des pierres dans leurs carreaux, et vous allez les voir déguerpir, ces messieurs.

Madame Legendre effarée regardait son mari, puis les jeunes gens ; Jacques et Maurice admiraient la fureur de leur ami.

— Assieds-toi, Noël, tu t’épuises.

Noël s’enivre de sa profusion verbale et donne à son adversaire le temps d’appointer une réponse. Mimi en profite :

— Vous avez de la verve, Noël. Seulement, un garçon qui redoute de se mouiller les pieds en traversant une grenouillère ne doit pas s’exposer au bâton de la police.

Noël essuie la raillerie sans broncher et consulte Maurice des yeux ; il tâche manifestement à sauver l’essentiel de la politesse.

— Vois-tu, ma chère Princesse, fit Maurice très calme, il y a des actions, de belles histoires, que l’on conte aux petites filles pour les amuser ; les autres, on ne les raconte pas, on les pose.

— Je ne vous savais pas si fanatiques. Ça ne va pas bien. En désespoir de cause, on quitte la table et les propos dangereux.

— Elle n’est pas mauvaise, votre tarte, dit Ado pour combler le silence, mais elle ne nourrit pas beaucoup. Ma femme fait une tarte à la mélasse, Monsieur Legendre, vous devriez goûter à ça. La prochaine fois que je vais à la maison, je vous en apporte une.