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LE VERGER

ture avec Noël : un ami violent, discoureur, moins capable de compréhension que Maurice, moins éclairé sur lui-même et sur les autres, mais d’une franchise que l’abondance des mots et des gestes ne pouvait suffisamment exprimer. D’ailleurs il ne fallait pas céder à une nostalgie d’enfant gâté, non, ne pas céder. Tout de même, les jours de vacances s’écoulaient. Lucien rôdait-il toujours autour du Verger ? Et qu’avait pensé Louise du départ de Jacques ? La désolation l’enveloppait de nouveau comme les rideaux de pluie sale. Maurice ne le regardait pas. Il connaît son ami.

— Ça passera avec le mauvais temps. Attends au moins jusqu’à vendredi. Ado ira chercher Lucie à la station.

— Qui ça Lucie ? Une amie de Mimi ?

— Lucie Tessier, plus ou moins une amie de Mimi. C’est moi qui ai insisté.

Il examinait le tranchant humide de la hache :

— L’oncle de Lucie sera nommé Lieutenant-Gouverneur à l’automne. On peut rencontrer tant de monde à Spencer-Wood.

Il dit ça comme il dirait : Les classes commencent demain.

Tout en comptant les mailles d’un tricot compliqué, Madame Legendre guignait, à travers la fenêtre du vivoir, Mimi et Noël qui devisaient sur la véranda. La tête appuyée à contre-jour, Mimi écoutait le récit du jeune homme ; elle riait et ses dents brillaient par éclats entre ses lèvres rouges. Noël narrait son voyage matinal avec Ado ; il décrivait le malaise de tout le corps rejoint sans pitié par la pluie à travers les vête-