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LE VERGER

une petite bourgeoise. Jacques l’entraînerait sur le Mont des Quatre-Sœurs et elle, en retour, quelle douceur ne prêterait-elle pas aux gestes anguleux du jeune homme et quelle ferveur contenue à ses révoltes ! Il partirait demain, oui demain, s’il le pouvait.

Les mains nouées sur la poitrine, Jacques, qui poursuivait les pensées de la veille, n’entendait pas le toit goutter sous la pluie ; les feuilles frissonnaient comme un papier que l’on froisse et un jour hargneux s’immobilisait à la fenêtre. Jacques, au chaud sous les couvertures, se rendormit.

Il bondit. Une crampe au pied qui monte d’un orteil pincé. Un grand éclat de rire fusa dans la chambre des jeunes gens, et Jacques reconnut Noël Angers, perdu dans un tricot emprunté au guide et qui lui descendait jusqu’au bas des cuisses. Noël était pieds nus, le pantalon de coutil relevé sur les mollets ; l’eau dont il était transpercé lui coulait le long des jambes et marquait dans le bois du plancher l’empreinte de son passage.

— Que viens-tu bardasser ici, Noël Angers ?

— Le train était en retard hier soir ; j’ai couché dans la chambre à donner, chez Ado. Je ne pouvais tout de même pas moisir là. Ado est venu avec moi ; il est dans la cuisine à se sécher.

Noël montre ses pieds et dit :

— Je me suis déchaussé pour ne pas salir le chalet. Quel temps pourri !

Madame Legendre parut dans l’embrasure de la porte, les cheveux roulés sur des bigoudis :