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le visage des deux amis. Engageraient-ils un dialogue ? Et jusqu’où ?

— Nous avons manqué la messe ce matin, continua Jacques, et nous ne nous en sommes pas aperçus. Nous avons beau, un gros missel sous le nez, suivre la messe dans l’église de l’île, nous n’y comprenons pas grand-chose, un peu comme les paysans à l’orgue que nous trouvons ridicules parce qu’ils s’enfargent dans les mélodies grégoriennes.

Il regarda Maurice.

— Que pouvons-nous faire de plus que suivre la messe dans notre missel ? Tu compliques tout, Jacques.

— Toi aussi, tu compliques tout, dans l’autre sens. Nous pourrions chercher Dieu avec plus d’ardeur. En arrivant ici tout à l’heure, tu n’as pas eu l’impression que Dieu nous touchait l’épaule, comme un père ? Dieu nous rejoint quand il veut, Maurice, nous ne pouvons pas lui échapper. Mais je crains que lui nous échappe.

— Il ne faut pas faire violence à son œuvre.

— Rappelle-toi la première lettre de Pierre Morand. J’ai perdu vingt ans de ma vie. Je dois recommencer à chercher, comme un ignorant, un Dieu que l’on ne m’a pas appris et que je n’ai pas désiré avec assez de passion. Il me faut secouer les formules comme les vieilles boîtes d’un grenier pour entendre ce qu’elles contiennent, brûler les images dévotes, la piété doucereuse, tout ce qui empêche le vrai visage de Jésus de se manifester.

— Pierre n’a jamais eu de mesure.