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discordantes s’étaient fondues et la fine ossature frissonnait de docilité. Jacques et Maurice, libérés, allégés, pagayaient sans dire mot ; à certains moments, les deux amis doivent garder le silence sous peine de discord ; leur amitié, aussitôt récompensée, se nourrit de ces instants féconds.

Ils arrivaient à l’anse au Griffon. Maurice tira le canot sur le terreau et, à la course vers le lac des Quatre-Sœurs ! Pendant cinq minutes leurs pieds effleurèrent avec un plaisir rapide et silencieux le trèfle ras veloutant la sente de portage ; le soleil dans les clairières étroites et bruissantes comme des ruisseaux dorait les mousses et les carillons roses des linnées. Ils gagnèrent une éminence et s’assirent côte à côte sur une souche, les jambes ballantes entre les cépées, l’œil et l’oreille au guet.

En contre-bas, la barque cadenassée du garde reposait son mufle sur un tronc duveteux à demi enfoui dans la vase ; le murmure de la Cascatelle frissonnait jusqu’à la poupe et s’éteignait à l’ombre de la lourde embarcation. De là, les jeunes gens prenaient en enfilade le couloir des Quatre-Sœurs, un fiord de trois milles, dont les glaciers avaient fourbi les rives ; avec sa haute montagne au bout, le lac était une invitation au voyage, et Jacques se tourna vers Maurice.

— Tu es fou. Il est cinq heures. Et je connais mal les sentiers.

— Nous nous hâterons… Nous ne pouvons plus reculer.

D’une traite ils coururent chercher leur canot et partirent à la découverte. Au fond du lac des Quatre-Sœurs, une affiche broquetée à un chicot de