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légèrement bridés et qui corrigeaient par leur sérieux ce que le reste de la physionomie conservait de mutin. Maurice répétait : « Elle est née au pays du Soleil levant. » Un équilibre des dons féminins que Maurice ne cessait de vanter, le bon sens que Louise tenait de son milieu et de son naturel sans renoncer pour autant à se dépasser (Jacques en était sûr maintenant), avaient étayé la première impression du jeune homme, et donné au sentiment qui l’avait d’abord porté vers Louise une espérance de durée.

Mais cette pensée impatiente Jacques. Depuis quand un garçon de son âge cherche-t-il un fondement à l’espérance ? C’est que Maurice marche à ses côtés et ne pardonnera pas un faux pas. Il y a aussi les maîtres de Jacques qui lui ont appris à paver la vie avec des concepts bien taillés. Un joli visage ne révèle pas que l’on ait affaire à une bachelière prétentieuse, à une grande jeune fille victime de son système nerveux, de la mode et du snobisme, ou à Louise. Tout est à peser. Le besoin de raison et les petites griffes de la défiance, même l’amitié, lui rendront toujours la vie malaisée. Contrairement à Noël Angers, il n’accepte pas les coups de foudre comme des inspirations, et il veut savoir où il donne de la tête.

Il en avait parlé à Maurice avec circonspection. Les deux amis avaient tourné autour de l’objet quelques instants, comme des gens qui cherchent quelque chose dans la pénombre. Alors Maurice avait dit : « Te rappelles-tu le paysan français à moustache que nous avons vu au cinéma et qui dégustait les vins d’une foire ? Il procédait avec un brin de solennité et se tenait sur la défensive dans l’attente d’une révé-