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LE VERGER

Jacques a retrouvé Louise. Accéder au plaisir de la rencontrer, de la voir passer sur la route, d’entendre parler d’elle, c’est d’abord un accès de sentimentalité, une expérience d’adolescent maladroit, une imprudence peut-être… Il dit « peut-être » car la passion suit sans doute des voies différentes. Seulement, la lutte contre la chair en deviendrait-elle plus facile ? Cela fait bien des questions à la fois et à un moment où la vie se complique. Il a de quoi se rassurer. N’est-il pas meilleur depuis qu’il a retrouvé Louise ? Les autres jeunes filles le troublent parfois d’un trouble qu’il n’aime pas, Louise jamais. Auprès d’elle il ne pense pas à ces bassesses ; il ouvre ce chapitre récent de sa vie comme les souvenirs de leur première communion. C’est peut-être trop beau pour durer. Louise ressemble à Monique ; c’est cela, rapprocher Louise de Monique, comme une protection.

Le banc craque près de Jacques et Monique glisse à voix basse : « Viens-tu ? » Jacques et Maurice conduisent à la Saulaie Estelle montée avec eux à l’église ; Louise ne se montre toujours pas.

Louise, elle n’était pas belle pourtant. En quoi consistait le charme qui émanait d’elle, on ne pouvait le dire, si discrète la joie que sa vue procurait. Louise n’était qu’une jeune fille, presque une femme déjà. Ses cheveux bruns séparés au milieu du front recouvraient les oreilles de boucles folles et se ramassaient sur la nuque en un rouleau serré d’où s’échappaient toujours quelques mèches. Le visage encadré par cette chevelure capricieuse, que dorait le jeu du soleil et du vent, était d’une coupe ferme et pure ; des sourcils prolongés finement jusqu’aux tempes, des yeux