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LE VERGER

Père Blanc au collège. Le Père, qui portait un fez, allongeait un visage volontaire et raviné, et la voix était chaude sous la barbe noire et drue.

Le professeur avait dit : « Pour devoir, vous écrirez à votre ami sur la conférence du Père missionnaire.» Le professeur avait lu en classe la lettre que Jacques avait rédigée pour Maurice, et le gamin n’avait pas aimé ça. Le maître ignorait que le syntaxiste, quelques jours après le passage du missionnaire avait demandé à la table de communion, la grâce d’être appelé, lui aussi, comme le petit Père Blanc. Les anges, ravis de cette générosité enfantine, avaient monté la garde autour de la supplique ; ils en réveillaient aujourd’hui l’écho. Jacques a beau se débattre, comme André dans ses cauchemars, il s’est engagé trop avant. On ne liquide pas comme on veut ses images d’enfance, le jeune homme l’apprend tous les jours ; de ce passé une partie est gravée dans sa chair, et l’autre sur les tables des anges, et Jacques ne peut rien effacer.

Certes il avait renouvelé son offrande, de moins en moins souvent il est vrai, par un instinct de défense. Il était si jeune ! Seulement, si Dieu le voulait, il faudrait peut-être marcher. Et si ce n’était qu’un scrupule ? Les scrupules, chantaient les Pères, sont de petites bêtes que l’on écrase sans merci.

Des condisciples de Belles-Lettres avaient écrit au tableau de la classe : « Retraite de décision du 22 au 27 février. Aux prières : Lemieux, Richer, Larocque, Garneau, Viau et Gamache.» François Lemieux, l’organisateur, avait abordé Jacques ; il avait perdu son bagout. Jacques avait donné toutes les raisons, excepté la vraie. Suivre les exercices de la retraite