noires et, par instants, on eût dit les fuseaux d’une fée dans une clairière. Des accords puissants emportaient le cours printanier d’une rivière, roulaient à l’abîme, ou se résolvaient en une cascatelle de notes éclatantes. On se disait bonsoir à petit bruit. Cependant, Monsieur Beauchesne qui s’était éclipsé réapparaissait ; sa voix de basse-taille bourdonnait dans le vestibule.
L’échange des livres et des réflexions suscitées par la lecture et la musique prêtait un terrain neutre où l’on pouvait tout cacher et tout dire. Louise et Jacques aimaient les mêmes sites et presque les mêmes pages. Les promenades à travers les friches où, sur ses fines pattes, le pluvier à gorgerette noire vous attend, les randonnées en automobile au manoir Mauvide Genest, au fief d’Argentenay et au moulin de la Dauphine, ou à bicyclette sur les chemins herbus des prés, dans la volupté du soleil et du vent qui adoucit l’odeur corrosive des peupliers, les excursions dans le canot de toile rouge vers les anses closes que la marée est seule à connaître et à visiter, les fragrances que l’on étreint comme du lilas après la dernière page d’un beau livre, c’était beaucoup dans l’existence de Louise. Et le jeune homme qui marchait entre Louise et Estelle, Louise l’aimait comme on peut aimer l’ami des jours révolus. Elle aimait en lui le compagnon sorti de l’ombre le soir de la Saint-Jean ; il avait tendu la main, il frayait la voie, écartait les branches basses. On découvrait des pays neufs au bout du chemin.
À partir de là les fils s’emmêlaient qui tissaient en elle une manière nouvelle de vivre et de regarder la vie. Elle comprendrait bientôt au bonheur impon-