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LE VERGER

le tuyau de sa pipe. C’était son attitude quand il minutait quelque mauvais coup.

— Jacques, dis à mon oncle qu’il vienne avec nous !

— Jacques ne maîtrise pas sa voiture, dit l’oncle Paul gravement. Il érafle les poteaux dans les virages, et encore hier il a fauché les jarrets aux taures de Monsieur Chabot.

— Qui a dit ça ?

André était indigné. L’oncle Paul roula de gros yeux colombins :

— Qui a dit ça ? Petit marsouin !

L’oncle Paul l’avait empoigné et le hissait sur son épaule. Il se dirigeait vers l’auto.

— Allons, ouvre le panier, ma fille ! Je le tiens par les ouïes comme le poisson de Tobie.

André se retrouva entre son oncle et sa sœur, et l’automobile démarra.

Devant l’hôtel, Lucien Voilard, en complet de toile blanche, le veston ouvert sur une chemise de soie, discutait avec un individu au cigare visqueux.

— Si j’étais de vous, disait Lucien, je n’hésiterais pas. Ces valeurs seront à la hausse dès lundi.

Il s’était assis près du chauffeur et avait tiré la portière sur lui ; il dit, engageant :

— Mon cher Jacques, je regrette de te donner ce mal. Monique a insisté…

— Ce n’est rien. J’avais promis une randonnée à Paule et à André.

Les enfants ont demandé de prendre par le chemin des Prêtres, par le plus long. La voiture s’élance avec alacrité sur la route de Saint-Laurent. Le pied sur