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comme une persienne courroucée dans la bourrasque, la nuit, lorsque la vieille Marie, pour voir aux croisées, circule par les chambres et que l’on entend sur le fleuve le meuglement des navires épeurés. Monique partait au moment où le Verger, où Jacques, avaient besoin d’elle.

Pourquoi lui, Jacques, n’avait-il pas tiré davantage de l’affection de Monique ? Il maudissait les jours d’éloignement, les refus aux invites de sa sœur. Puisqu’il ne restait plus à vivre ensemble que deux ou trois mois, Jacques présenterait à Monique une âme neuve. Revenu du collège nanti de résolutions, il avait pressenti, dès les premiers jours de vacances, que son passé d’isolement, comme une hérédité, le paralysait ; au lieu de le rapprocher de sa sœur, des ouvertures trop rapides creuseraient entre eux un nouveau malaise ou, à tout le moins, quelque chose de plus difficile à sauter que cette légère incompréhension dont on pouvait, à la rigueur, s’accommoder. On approchait du jour où le jeune manufacturier de Pierrefeux ravirait Monique au Verger ; elle s’éloignerait aux mains de cet étranger, étrangère elle-même.

Monique ne savait trop quelle attitude prendre devant les rebuffades de ce grand garçon qu’elle aimait et dont elle entendait battre l’amour contenu et inquiet. Tous les garçons étaient-ils orgueilleux et défiants comme Jacques ? Monique songe qu’il est plus difficile de parler à son frère qu’à son fiancé, et elle attend de son cœur les mots que Jacques acceptera sans révolte. Leur affection du moins est plus