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LE VERGER

ment dédaigneux ; mais il n’était pas comme les autres, lui, on n’hésitait pas avant de le regarder).

Avait-elle été coquette ? Était-ce de la coquetterie, le bonheur hérité d’un seul coup, pesant et sans fissure, au plus profond d’elle-même et pour toujours semblait-il ? Elle avait cherché à plaire tout naturellement, sans y penser. Non, elle n’avait pas cherché à plaire ; elle avait plu parce qu’elle se savait aimée. La joie qui sourdait d’un seul élan, à l’île, au cours de leurs promenades, épandait sa fraîcheur sur les autres et sur Jacques, comme le bouquet des ormes sur les champs. Elle n’avait cherché qu’à prolonger indéfiniment le plaisir de le rencontrer, de le perdre, de penser à lui, et de le retrouver, de jour en jour moins fermé, moins craintif et disposé de la sorte à renouveler la richesse des premières émotions.

Cependant (l’horloge à l’hôtel du gouvernement marquait trois heures moins dix, et il fallait plutôt songer aux paroles à dire ou à omettre), cependant elle avait constaté un jour, après une conversation avec sa mère, qu’elle était trop saine pour qu’une idylle la satisfît. Elle avait alors résolu, comme Jacques, de tout narrer à son confesseur. Puis elle avait remis à la semaine, puis au mois suivant. Si seulement elle avait connu un prêtre comme le Père Vincent ! Et elle avait renoncé à parler sans renoncer à une résolution qui endormait son inquiétude. Elle n’avait pas honte, mais peur, peur d’une défense expresse et sans échappatoire.

Le bon Dieu n’est pas le Père Dreux et il ne mène pas ses enfants à coup de mauvaises notes, ou en les menaçant du cabanon. Louise avait conservé son