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LE VERGER

naïf des questions très précises ; Maurice connaissait bien son ami.

Il est des décisions qu’un homme prend seul. Elle, elle ne prendrait jamais de décision importante sans aller s’étendre, le soir, près de sa mère sur le grand lit à courtepointe mauve, et sans provoquer par des insinuations cette Estelle, qu’elle apercevait maintenant toute droite dans la glace, et qui demandait, d’un ton narquois :

— On peut entrer ?

Sa beauté, qui avait mûri et qu’elle avait connue à l’insistance des regards posés sur elle, avait effacé les dernières traces d’acrimonie de son visage et de ses attitudes.

— Tu sors ?

— Oui, ma chérie.

— Je peux t’accompagner ?

— Non, ma chérie !

Louise se retourne pour mieux voir l’expression de sa sœur et comme pour la caresser. Estelle lui avait passé les bras autour du cou.

— Tu ne veux pas que je magasine avec toi ? Tu ne m’aimes plus !

— Non, je ne t’aime plus ; jusqu’à sept heures, ce soir, je ne t’aime plus.

— Que je suis sotte ! Ce téléphone ce matin ; Jacques est en ville.

— Oui, il est arrivé hier. Mais ce n’est pas lui qui appelait ce matin.

Qu’avait-il besoin d’appeler puisqu’il avait écrit deux jours avant d’arriver à Québec ? Les jeunes hommes sont des enfants par certains aspects de leur